Lire "Les bienveillantes", de Jonathan LITTEL (chez Gallimard, 2006), c'est entrer en folies.
Folie d’abord, de s'attaquer à 900 pages qui retracent, selon le point de vue d'un officier SS allemand, le long chemin qui a conduit tant d'hommes à suivre l'idéal social- nationalisme et permis tant d'atrocités, de violences et de dénis de la personne humaine durant cette seconde guerre mondial. (Ceci dit en passant, cette « seconde » risque d'être la deuxième tant la bêtise humaine est encore capable d'en générer une troisième!) Les 900 pages sont d'autant plus folles à mes yeux de lecteur francophone qu'elles sont truffées de vocabulaire allemand et que le détour par le glossaire m'a semblé insupportable.
Mais, faisant abstraction de cette lecture quelque peu ardue, j'ai plongé dedans et j'ai été accroché, pris par les tentacules de la folie la plus raisonnable et stupide qu'il m'a été donné de rencontrer dans mes lectures.
Folie raisonnable d'un homme, représentatif de tant d'autres, qui accepte comme correcte l'idée du bienfondé d'une idéologie, le national - socialisme. Dans sa logique, poursuivre l'idéal socialiste est le moyen de rendre, enfin, au peuple, le pouvoir de décider de ce qui est bien et bon pour lui. Raisonnable, bien sûr ! Mais voilà, comme il est impossible de demander, effectivement, l'avis à chacun, il semble juste de s'en référer à ce que dit celui qui est sensé les représenter tous, Hitler! Folie plus déraisonnable, bien sûr!
D'autant plus déraisonnable que cet idéal croit, en même temps, à la suprématie d'une race, et donc, en toute logique, veut exterminer tous ceux qui ne sont pas de purs allemands?
Mais la logique du Dr Aue, le héros de cette histoire fictive (mais, probablement très représentative de ce qui se passait dans la tête de bien des acteurs du drame nazi) est de croire au discours ambiant considéré comme correct et donc de centrer sa vie sur cette volonté d'agir pour que cette suprématie allemande triomphe! Raisonnable … quoique, la mise en œuvre de l'extermination juive ne sera donc jamais abordée par lui en termes d'humanité. Seuls les buts d'efficacité, de productivité, de soutien logistique à la cause arienne seront pris en compte! Pure folie !
Folie encore ( à moins que ce ne soit une méthode géniale de manipulation des consciences!) que cette segmentation des tâches et responsabilités dans la grande chaîne de destruction massive de "tout impur, nuisible, inutile ou malveillant"!! Chacun n'est responsable que d'un aspect et, même fautif ou manquant d'humanité, il peut se sentir juste devant les fautes "bien plus énormes" que d'autres commettent en amont ou en aval de son "poste de travail"! Folie au combien efficace pour engendrer des génocides... Ce livre met parfaitement au jour cette manière d'agir, façon qui se double d'une évidente rivalité entre les protagonistes d'un même camp, les envies génératrices de coup bas, les courses à la gloire productrices de tant d'excès au-delà même d'une stricte application des consignes déjà tellement déviantes et meurtrières!
Pour ajouter un zeste de folie supplémentaire, l'auteur fera de son héros, un homosexuel complètement déjanté ce qui obligera le lecteur consciencieux à se taper une vingtaine de pages de fantasmes sexuels assez peu utiles, à mes yeux, à la compréhension du parcours de ce Dr Aue. Ce dernier ira jusqu'au bout de sa logique, violent, destructeur, sans âme véritable ... jusqu'au bout donc de la déraison!
Ce livre est lourd (pas seulement par ses 900 pages), il est noir, violent, pauvre en humanité et triste miroir de ce que peuvent être les hommes lorsqu'ils sont opportunistes, indifférents et enfermés dans une logique dépourvue d'humanité! Ce livre fait peur! Comment sentir, voir venir ces courants extrémistes et y résister? Comment ne pas succomber au politiquement correct distillé par des petits chefs, des propagandistes, des puissants et des graines de dictateurs ou de fanatiques?
Un livre que j’ai aimé par l’espace de réflexion qu’il ouvre. Un livre qui nous renvoie au miroir de nos consciences... Nous, "en ces temps-là", quelle aurait été notre logique ? Qu’aurions-nous suivi comme idéologie ?
Lire fait grandir et aide à cheminer, en équilibre, sur le fil de la vie. Lire permet l'ouverture à de nouveaux points de vue, à des valeurs que l'on peut ensuite faire siennes ou pas. Lire fait réfléchir! Et comme, pour garder mémoire, j'aime écrire un petit commentaire à propos de mes lectures, en toute simplicité, je viens déposer ces traces, ici, sur le bord de vos chemins.
dimanche 19 avril 2015
jeudi 16 avril 2015
"Au-revoir Là-haut" de Pierre LEMAITRE (Ed. Albin Michel, 2013)
Avant l’heure, puisque sorti en 2013, année précédant l’offensive commémorative de la Grande Guerre, « Au revoir là-haut » (Ed. Albin Michel), signé Pierre LEMAÎTRE n'est pas, comme à son habitude, un roman à classer dans les rompol! Il s'agit ici d'un roman entièrement taillé dans le costume étriqué des protagonistes de la guerre 14-18.. Et ce roman se révèle être un bon roman où se mélange fiction, pas si improbable que cela, par ailleurs et fond historique.
Avec le talent qu’on lui reconnaît, Pierre LEMAÎTRE, nous emmène avec beaucoup d’efficacité, de justesse et de questions dans cette période trouble de fin de guerre.
À travers ses mots, ses images, ses silences, on peut ressentir et mieux cerner le quotidien lourd de boue et sans grande espérance des poilus englués dans les tranchées. On peut s’aigrir aussi de l’arrivisme de ces chefs qui se servent plutôt que de servir leur pays.
Le livre s’ouvre à la veille de l’Armistice. Alors que la rumeur de ce dernier se précise de toutes parts, la volonté d’un officier de lancer encore une dernière charge sur le front 131 n’a d’égale que celle des troupes qui préféreraient jouer la montre et enfin oser croire à un retour rapide à la vie civile. L’officier trouvera le moyen de dynamiser ses troupes contre les Boches. Les poilus iront au carnage. Ceux qui en reviendront seront à jamais des gueules cassées, tandis que l’officier ira aux honneurs, d’abord, à ses magouilles d’après-guerre, ensuite... Quelle ineptie ! Quelle bassesse ! Quelle ignominie !
La seconde partie du roman, plus fictive celle-là, met en scène les protagonistes de la première partie qui, pour des raisons différentes, s’enferment peu à peu dans l’engrenage des mensonges, des malversations, des arnaques aux sentiments et des règlements de comptes intrafamiliaux. Au fil de l’histoire, le lecteur est habité de l’envie d’en connaître le dénouement. Qui s’en sortira ? Qui s’y perdra ? Les mauvais devront-ils enfin répondre de leurs actes. Les bons seront-ils in fine gagnants ? Et, après tout, y-a-t-il seulement des bons ? Au-delà de l’envie de connaître la fin, le lecteur aura, je crois, envie de chercher réponses à ses questions sur les soifs de revanche, de pouvoir, de puissance et d’argent qui gauchissent la droiture humaine !
Bref, un roman comme je les aime. Il se laisse lire pour le plaisir mais suscite la réflexion et l’envie de s’interroger sur ce qui se passe encore aujourd’hui aux alentours de toutes les guerres qui attaquent notre Monde.
Avec le talent qu’on lui reconnaît, Pierre LEMAÎTRE, nous emmène avec beaucoup d’efficacité, de justesse et de questions dans cette période trouble de fin de guerre.
À travers ses mots, ses images, ses silences, on peut ressentir et mieux cerner le quotidien lourd de boue et sans grande espérance des poilus englués dans les tranchées. On peut s’aigrir aussi de l’arrivisme de ces chefs qui se servent plutôt que de servir leur pays.
Le livre s’ouvre à la veille de l’Armistice. Alors que la rumeur de ce dernier se précise de toutes parts, la volonté d’un officier de lancer encore une dernière charge sur le front 131 n’a d’égale que celle des troupes qui préféreraient jouer la montre et enfin oser croire à un retour rapide à la vie civile. L’officier trouvera le moyen de dynamiser ses troupes contre les Boches. Les poilus iront au carnage. Ceux qui en reviendront seront à jamais des gueules cassées, tandis que l’officier ira aux honneurs, d’abord, à ses magouilles d’après-guerre, ensuite... Quelle ineptie ! Quelle bassesse ! Quelle ignominie !
La seconde partie du roman, plus fictive celle-là, met en scène les protagonistes de la première partie qui, pour des raisons différentes, s’enferment peu à peu dans l’engrenage des mensonges, des malversations, des arnaques aux sentiments et des règlements de comptes intrafamiliaux. Au fil de l’histoire, le lecteur est habité de l’envie d’en connaître le dénouement. Qui s’en sortira ? Qui s’y perdra ? Les mauvais devront-ils enfin répondre de leurs actes. Les bons seront-ils in fine gagnants ? Et, après tout, y-a-t-il seulement des bons ? Au-delà de l’envie de connaître la fin, le lecteur aura, je crois, envie de chercher réponses à ses questions sur les soifs de revanche, de pouvoir, de puissance et d’argent qui gauchissent la droiture humaine !
Bref, un roman comme je les aime. Il se laisse lire pour le plaisir mais suscite la réflexion et l’envie de s’interroger sur ce qui se passe encore aujourd’hui aux alentours de toutes les guerres qui attaquent notre Monde.
jeudi 2 avril 2015
"La vérité sur l'affaire Harry Quebert" de Joël Dicker
Faut-il qu'un livre puisse se confronter avec succès à tous les critères déterminants pour rentrer dans le cas des nominables pour les grands prix littéraires de toutes sortes? Ces critères sont-ils, par ailleurs, pertinents? A mon avis loin s'en faut!
Alors, qu'attendre d'un roman comme celui de Joël DICKER, "La vérité sur l'affaire Harry Quebert" nous montre une police qui enquête, se trompe mais poursuit la recherche d'une vérité. C'est déjà pas mal!
Ce même roman nous dépeint les silences et les moeurs d'une cité qui ne se montre ni capable d'analyser la situation, ni d'avoir assez d'audace pour se poser les bonnes questions et pour les faire paraître au grand jour.
Et puis ce roman nous distille le travail d'amitié, de respect qui lient deux personnes se revendiquant du métier d'écrivain mais qui ont, toutes les deux, des démons à combattre, des sirènes déroutantes à faire taire et une expérience de l'amour qu'ils bricolent, comme ils peuvent, au fur à mesure de l'histoire.
Les héros sont, en fait, loin d'être des héros. Ce sont des petites gens comme bien d'autres qui doivent se battre contre ce que l'opinion fantasque de la petit bourgade d'Aurora a d'arbitraire et d'absolu. Ces héros sont des petites gens qui, trop facilement, mais peut-on leur jeter la pierre, se laissent submerger, dans leurs jugements par l'apparence des évidences successives.
Bienvenue au club de la réalité de nos petits mondes!
Alors, qu'attendre d'un roman comme celui de Joël DICKER, "La vérité sur l'affaire Harry Quebert" nous montre une police qui enquête, se trompe mais poursuit la recherche d'une vérité. C'est déjà pas mal!
Ce même roman nous dépeint les silences et les moeurs d'une cité qui ne se montre ni capable d'analyser la situation, ni d'avoir assez d'audace pour se poser les bonnes questions et pour les faire paraître au grand jour.
Et puis ce roman nous distille le travail d'amitié, de respect qui lient deux personnes se revendiquant du métier d'écrivain mais qui ont, toutes les deux, des démons à combattre, des sirènes déroutantes à faire taire et une expérience de l'amour qu'ils bricolent, comme ils peuvent, au fur à mesure de l'histoire.
Les héros sont, en fait, loin d'être des héros. Ce sont des petites gens comme bien d'autres qui doivent se battre contre ce que l'opinion fantasque de la petit bourgade d'Aurora a d'arbitraire et d'absolu. Ces héros sont des petites gens qui, trop facilement, mais peut-on leur jeter la pierre, se laissent submerger, dans leurs jugements par l'apparence des évidences successives.
Bienvenue au club de la réalité de nos petits mondes!
Alors, ce livre de Joël Dickers, "la vérité sur l'affaire Harry Quebert", pose adroitement les problèmes du jugement populaire e de sa grande capacité à retourner sa veste au moindre coup de vent! Il nous montre le milieu pourri des faiseurs de fric, des magnats de la communication qui visent un crédit sans se préoccuper de la poursuite de la vie de tous les inutilement égratignés ! Il y a des gestes abjects, des responsabilités oubliées, des non remises en questions...
Alors, oui, c'est vrai, l'écriture de ce roman n'est pas transcendante. Elle ne flamboie pas, relève très peu de l'humour (si ce n'est les excellent échanges entre Marcus, l'écrivain, et sa mère...). L'écriture est à la portée de ce que peuvent lire les adolescent en pleine ébauche de formation littéraire ... Et alors? Est-ce là un défaut?
Retenons que ce livre peut se lire pour sa seule histoire. Il ne se réclame pas d'un vocabulaire flamboyant qui pourrai donner au récit un peu de hauteur, de noblesse... Or, pourtant,le style est là! Si on accepte qu'on peut aussi lire pour le seul plaisir de se voir raconter une, des histoires, on accroche!
Bref, "La vérité sur l'Affaire Harry Quebert" est un roman d'été agréable. Au delà de l'histoire, il laissera le loisir, à celui qui le veut, la possibilité de se poser des questions sur le monde du livre, celui de la recherche de vérité et sur l'amitié qui doit, ou non, dépasser les imperfections!
Retenons que ce livre peut se lire pour sa seule histoire. Il ne se réclame pas d'un vocabulaire flamboyant qui pourrai donner au récit un peu de hauteur, de noblesse... Or, pourtant,le style est là! Si on accepte qu'on peut aussi lire pour le seul plaisir de se voir raconter une, des histoires, on accroche!
Bref, "La vérité sur l'Affaire Harry Quebert" est un roman d'été agréable. Au delà de l'histoire, il laissera le loisir, à celui qui le veut, la possibilité de se poser des questions sur le monde du livre, celui de la recherche de vérité et sur l'amitié qui doit, ou non, dépasser les imperfections!
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