mardi 30 juin 2015

"Oscar et la dame en rose" de Eric-Emmanuel SCHMITT (ED.: Albin Michel, 2002)

L'occasion fait le larron...: Pour 1€, en magasin de Récup (3R à Herbestal, Belgique), j'ai retrouvé ce livre que je ne possédais pas, même si je l'avais lu à l'époque de sa parution chez Albin Michel en 2002. Je n'ai pas résisté, je l'ai fait mien, je l'ai relu. 
Ce que je pense de l'écriture: J'ai retrouvé la poésie qui préside aux livres du cycle de l'invisible chez Eric-Emmanuel SCHMITT. Ne nous trompons pas, la naïveté n'est qu'apparente. Elle est bien plus qu'un artifice d'écriture faisant parler et écrire un enfant cancéreux qui est, à l'aube du temps, déjà au terme de sa vie. 
Le coeur du récit: Ce livre est une réflexion sur l'invisible, sur ce qu'il nous faut faire exister si nous voulons y croire. Et les lunettes, ici, sont celles d'une vision d'un Dieu à qui on peut parler, écrire même en ne connaissant pas son adresse (on le fait bien avec St Nicolas ou le Père Noël!) et qui répond, à qui veut l'entendre, dans la simplicité d'une non puissance accompagnatrice de la Vie! Ce livre, comme tous ceux du cycle de l'invisible, est une invitation de l'auteur à prendre un peu de hauteur sur nos vies, nos devenir, nos préoccupations premières, toutes "encrées" des turpitudes de la vie mais qu'il nous appartient de sublimer par un regard porté à l'essentiel, au-delà des apparences.
Ce que j'ai apprécié: Ce livre nous est proposé, jamais imposé. Il n'y a donc aucune mièvrerie à lui reprocher. On prend ou on rejette. C'est le lecteur qui décide!
Et puis, par le style fait de phrases courtes, de séquences temporelles repérables, ce livre est un peu comme un album photo qu'on nous invite à compulser. Page après page, la vie avance, de l'enfance à la vieillesse. Elle avance vers la fin et la réponse aux faims que la vie a suscité...
Un livre tendresse, un livre qui éclaire la route, un livre qui rend une place à la limite, à la nécessité de faire du lien, à celle de se donner des moyens, avec humour, de se prendre la vie, la mort en pleine face!

dimanche 28 juin 2015

"L'homme à l'envers"de Fred VARGAS (Ed.: J'ai lu, n°6277)

L'intrigue: Avec "L'homme à l'envers", Fred VARGAS nous entraîne cette fois dans une road-movie sur les traces d'un Loup-Garou! Dans le Mercantour, les loups ont été réintroduits par la volonté de quelques bureaucrates-naturalistes-nostalgiques d'un équilibre naturel passé. Pour les bergers de l'endroit, le Loup n'est pas le bien venu. Tout au plus, on le supporte s'il reste sur son terrain de chasse, dans le parc naturel. Mais quand il le quitte, se met à tuer brebis après brebis, on s'émeut, on s'arme. Quand le Loup, se met à tuer Simone, femme du pays au caractère trempé et appréciée de tous, le Loup devient Garou. Camille, Soliman et le Veilleux se lance à sa poursuite. De nouvelles perte en bêtes, en nouveaux meurtres en homme, ils lui collent au cul, le ratent de peu alors qu'ils le suivent toujours de près... à moins qu'ils ne le précèdent de peu...
Ce que j'ai apprécié: L'auteure, Fred VARGAS, nous livre ici un roman qui donne à son commissaire Adamsberg un joli rôle, à la fois amoureux, rêveur et capable de s'intéresser et suivre l'affaire depuis Paris bien avant qu'il n'y soit requis, capable de sentir comment le vent passe, tourne et revient dans les arbres...
Une fois de plus, une belle inspiration puisée au stock des mythes et légendes qui fascinent le petit monde de tous ceux qui n'y croient pas- bien sûr! - alors pourtant qu'ils calquent leurs réactions sur les frissons, les peurs et les 'va-t-en guerre' de tous poils qu'ils suscitent toujours.
Bref: Un bon VARGAS ... même si la fin se laisse quelque peu deviner. Mais cela ne détruit pas le plaisir de lire!

vendredi 26 juin 2015

"Les chaussures italiennes" de Henning MANKELL (Ed.: Points, n°P2559)



Avant tout, une écriture! : "Les chaussures italiennes" est un bijou d'écriture. Dans un style qui donne à voir et à imaginer, un verbe qui dit l'essentiel et laisse résonner les silences...
Henning MANKELL, connu et apprécié pour ses romans policiers et son inspecteur Wallander est aussi une grosse pointure dans le domaine du roman social, que ce soit par ses analyses fines du monde de l'Afrique ou celles de la société des pays de la froide Baltique. Ce livre ne fait pas exception. Son talent y est omniprésent. 

L'intrigue: Mankell nous conte le parcours de Frederik Welin, ancien chirurgien devenu solitaire, bourru sur son île. Dans un inconfort austère rimant parfaitement avec le ratage apparent de son existence, il vit entre sa maison, l'appentis, le ponton et son trou dans la glace. Pour compagnie, il n'a que son vieux chien, un chat, une fourmilière et sa solitude amère, à peine perturbée par les seules visites de Jansson, son facteur hypocondriaque .
Mais tout bascule lors de l'arrivée sur sa glace de Harriet, son amour de jeunesse. Mourante, elle vient lui réclamer l'accomplissement d'une vieille promesse: aller jusqu'au lac dont il lui a tant parlé alors.
Et l'épopée commence. Traverser les paysages glacés s'avérera bien plus simple que de réemprunter les chemins d'une vie ancienne qu'il croyait sans surprise. Le retour vers son passé sera bouleversant. Il lui faudra apprendre à retisser des liens, à mettre des mots sur l'essentiel à partager et à "aller jusque là!" Pas plus loin, peut-être, mais jusque là.

Au-delà de l'histoire, un regard profond sur le monde: A travers ce roman, ce sont les thèmes de la réussite professionnelle, du lien social, de la famille, de l'erreur et de sa réparation que Mankell aborde. L'histoire, pour le plaisir de lire, nous permet de nous laisser porter par la fiction... les silences du livre nous invitent à plonger dans nos propres relations aux autres, au monde et à nous-mêmes. 
En conclusion: Un très bon MANKELL!

dimanche 21 juin 2015

"Comment j'ai vidé la maison de mes parents" de Lydia FLEM (Ed.: Seuil, 2004)

Livre prétexte? : "Comment j'ai vidé la maison de mes parents" fait partie de ces livres 'tranches de vie' que d'aucuns ont besoin d'écrire pour trouver la sortie du labyrinthe de leur vie, tandis que d'autres ont plaisir à les lire pour l'effet miroir que ce genre littéraire opère quasi chaque fois; miroir, heureusement, suffisamment déformant pour pouvoir en sourire.

L'écriture: Lydia FLEM ne renie pas ici sa formation de psychanalyste mais sa plume reste légère sans être mièvre, drôle sans être hors propos. 

Le fond: Elle nous introduit à la question fondamentale de l'héritage. Quant des parents nous lèguent des biens, explicitement, ils nous confirment leur envie de nous voir devenir les responsables et propriétaires de ce qu'ils nous donnent. Quand nous héritons, nous devenons brusquement et totalement maîtres de la destinée des biens qui ne nous ont jamais été donnés et que nous n'avons jamais pris. Ils nous tombent dessus avec l'obligation de décider ce que nous en ferons... Dilemme! Garder, jeter, donner ou (pire parfois) vendre?
Peut-on se détacher d'une histoire qui est aussi la nôtre? Car vider la maison de ses parents, c'est partir à leur découverte, apprendre à propos d'eux ce qui jusque là avait été tu. C'est violenter leur silence et, tout en même temps, assurer la solidité de la lignée, redécouvrir nos racines et interroger notre mode de vie, en total décalage, souvent, avec celui de nos parents.

En conclusion: "Comment j'ai vidé la maison de mes parents" est un petit livre qui parlera à certains, probablement de manières très différentes ou qui laissera indifférent... A chaque lecteur de se positionner en fonction des greniers qu'il a déjà ou aura encore à vider.

vendredi 19 juin 2015

"A l'Ouest" de Olivier ADAM

Mon appréhension avant d'ouvrir ce livre: J'avais écrit, après la lecture de "je vais bien, tout va bien": Bref, je croyais découvrir un livre, je n’ai visionné qu’un film. Aucun espace de résonance, pas de place au lecteur pour entrer dans une complexité de la vie, des personnages, de leurs quêtes. On a, paraît-il, tiré un film de ce roman, cela me semble évident. L’adaptation n’a pas été trop compliquée, à mon avis ! Mais de roman, il n’y en a pas… Dommage !
Néanmoins, fidèle à moi-même, refusant de condamner sur une impression, je m’en vais lire (lire plutôt que voir, j’espère) la deuxième partie de ce diptyque « À l’ouest »

Je m'y suis tenu ... 

Jugement sans appel!: Après la découverte fastidieuse et sans plaisir de "A l'ouest", le lecteur que je suis persiste et signe, ce livre de Olivier ADAM ne vaut pas les arbres abattus pour l'imprimer!

A propos de l'écriture: En gros, une non-histoire avec un style qui n'en est pas un (car s'il en était, il faudrait le cataloguer de style pauvre, plat, lourd et dénudé de toute envolée transportant le lecteur vers, ne fusse qu'un instant, une approche du 'plaisir de lire'!).

Bref, rien qui me donne envie de suivre cet auteur!

jeudi 18 juin 2015

"Le très corruptible mandarin" de QIU Xiaolong (Ed Points N°P1703)

"Le très corruptible mandarin" est une découverte. Comme de nombreux écrivains de Polar, QIU Xiaolong a donné à son héros, le camarade inspecteur Chen (rien que cela, c'est déjà tout un programme!), une caractéristique qui fait de lui un être 'décalé'. Nous avons affaire ici à un policier poète, à moins que cela ne soit un poète policier. C'est, pour le moins original!
L'écriture: L'intérêt, pour l'auteur, c'est de pouvoir ponctuer la manière de penser de son héros par des extraits de (vrais) poèmes traduisant le mode de pensée chinoise. Cela donne un rythme, lent, empreint d'une sagesse que l'on voudrait universelle même si la formulation est quelques fois déconcertante pour les occidentaux cartésiens que nous nous revendiquons d'être.
Le fond: Sous prétexte d'écrire un polar, Qiu Xiaotong se lance, et nous plonge, dans une critique acerbe des déviances des hauts cadres qui, au nom de l'intérêt suprême du Parti, s'encanaillent, corrompent et se laissent corrompre dans le seul but d'asseoir leur pouvoir et d'étoffer leur coffre en banque.
Sans aucune concession, il nous dépeint un communisme capitaliste qui fait froid dans le dos.
En conséquence: Sans nul doute, je veillerai à lire d'autres romans relevant de cette littérature chinoise moderne.

mardi 16 juin 2015

"Les dieux sont vaches" de Gwendoline HAMON (Ed. JC Lattès, 2014)

Zélie est une jeune femme expéditive dans ses jugements, ses mises en actes et ses impulsions relationnelles. Mais face à sa mère, Caroline, elle se sent depuis toujours démunie, niée, dépersonnalisée, encombrante... Sa mère, hors-normes, originale par besoin vital de se sentir autre, est en constant décalage avec ce qu'on est en droit, pense-t-on, d'attendre d'une mère. Pendant des lustres, elle n'a raté aucune occasion de se désintéresser de sa fille-enfant, trop préoccupée à séduire, embrasser la vie et ses amants. Aujourd'hui, Zélie est adulte mais le combat continue. Sa mère a toujours une remarque à faire, un piège à tendre, un amant contre nature à lui fourguer...
Et brusquement, Zélie découvre que sa mère Caroline est bien proche du terme de sa vie. Le cancer est là, son dénis aussi, ses souffrances, ses soifs de retrouver et reconstruire des lambeaux de vie-souvenirs heureux... Zélie, sa sœur Julia, leur père et de nombreux amis vont s’y employer !
Avec son regard chaviré par le coup vache de la vie, mais pétillant de soleil par les découvertes qu'elle fait en partant à la rencontre de sa maman et en remontant le temps du temps d'avant, Gwendoline HAMON nous raconte avec brio, légèreté et gravité une histoire bien réelle, si tendre, si dure et si commune pourtant. L'attirance mère-fille est celle des aimants, répulsive lorsqu'elles cherchent à être du même pôle, attractives lorsqu'elles se positionnent en pôles contraires. Un vrai jeu de 'Je t'aime mais qu'est-ce que tu m'énerves!... et c'est justement parce que tu m'énerves que je sais que je t'aime.
Quand la vie à venir se décline en mois, en petites semaines, en quelques jours, une heure ou deux peut-être, on prend la mesure des liens qui nous relient bien au-delà de leur fragilité apparente. Et parfois, ce n'est qu'après le terme qu'on réalise que les Dieux n'ont pas toujours été vaches avec nous!

Ce livre est une invitation au Carpe Diem, dans son plein sens!

dimanche 14 juin 2015

"La maison en Calabre"de Georges HALDAS

"La maison en Calabre" est une chronique datant de 1973. Elle a été écrite par Georges HALDAS, auteur suisse dont la manière d'écrire pose clairement un regard critique et bienveillant sur le monde. 
Ici, le prétexte est une arrivée en Calabre de quelques amis genevois à qui une jeune calabraise avait fait miroiter la possibilité de vacances de rêve, dans une petite maison avec vue sur mer et jardin ... Bref, "de quoi être heureux comme des Papes!
Mais voilà, une fois sur place, la villa n'est qu'une maison toujours en construction, non ou si peu meublée. Le jardin est une bande étroite de gravats; la vue, un champ de maïs et l'odeur fraîche de la nature, celle du cochon et de son auge qui jouxte la maison.
Scandale pour ces riches venus du Nord qui étaient venus là pour avoir des vacances et qui, vu le prix (somme toute assez modeste), se sentent en droit d'en "avoir" plus... Incompréhension pour ces gens du Sud qui, sur base de leur ancestral mode de vie ne peuvent même pas imaginer qu'on puisse avoir besoin de vacances et qui ne comprennent pas les exigences de ces arrivants , ne sachant que faire pour "être" plus accueillant vis-à-vis d'amis d'amis! Et entre eux, riches et pauvres, toute la suspicion du monde!

L'écriture pourra nous sembler un peu passée, délavée par le temps, une écriture qui utilise des procédés que plus personnes n'utiliserait tant ils semblent alourdir le récit ( l'amie F ne sera jamais autrement nommée que par une lettre, de même que M. L; le prix à payer pour la location restera x francs sans autre précision, et la concordance des temps, parfaitement respectée, fera la part belle au Passé Simple, aux Subjonctifs et autres subtilités propres aux belles plumes mais parfois quelque peu ardues à assimiler!). Néanmoins, Georges HALDAS signe ici une remarquable chronique qui, non seulement dit comment les gens vivent, mais aussi posent des questions sur le pourquoi vivre comme cela! "La maison en Calabre" est une belle mise en page d'une confrontation des points de vue, d'une réflexion sur nos modes de vies et le regard qu'on porte sur les autres ... Une chronique qui vaut son pesant de réflexions

Avec ce choc Nord/Sud que nous avons quelques difficultés à accepter sous peine de nous sentir très vite coupables, nos rencontres de vacances relèvent finalement bien souvent d'une histoire si simple... Pourquoi arrivons-nous si facilement à la compliquer ... si ce n'est par la grande étroitesse de nos regards sur autrui!

"La fractale des raviolis" de Pierre RAUFAST

« La fractale des raviolis » de Pierre RAUFAST (Ed.Alma,2014) est un roman qui se laisse choisir, d’abord, pour son titre incongru. ...
Et puis on s’interroge sur ce que ce mot fractale peut bien signifier. Et là, je redécouvre, au fond de soi, cette notion étudié lors d’une vie antérieure, alors que je pratiquais les sciences mathématiques. [Au départ (en mathématiques) fractale désigne une figure ou volume qui a des formes irrégulières ou fragmentées. L'exemple le plus souvent cité est le flocon de neige]. 
Où finit-il ? Où commence son suivant, si proche et pourtant différent ? 

Et de tous ces flocons, mon coeur d’enfant n’a gardé qu’une envie, celle de courir après, tenter de les happer et rire de mes réussites comme de mes ratés. 

Allons,je me dépouille de mon sérieux de matheux, de mes jouissances enfantines et j'entre dans le récit en dilettante, avec l’humour qu’il m'inspire dès les premières lignes. 

Car, « La fractale des raviolis » est bien construire sur ce modèle insaisissable d’une succession d’histoires emboîtées, l’une n’étant jamais tout à fait finie alors que déjà elle nous embarque sur une deuxième, emboîtée cigogne, qui nous entraîne très loin et pourtant nous permet de nous sentir très proche et dans le droit fil, de celle qui précède. Et si la troisième change, elle aussi, le cap, elle ne bouleverse en rien nos repères sur la boussole de ce voyage qui se poursuit dans un chaos nous entraînant de récits en rencontres, d’analyses surréalistes en décisions de sagesse et d’utopies dominatrices et victorieuses en grains de sable destructeurs et bloquant tout avancement vers une fin convenue ! 

Jubilatoire cette écriture fraîche, traversant le monde littéraire comme un ovni, une œuvre volontairement non identifiable à ce qu’on connaît d’habitude en littérature. Perso, j'aime le théorie du chaos (très présente dans les fractales) qui est toujours (ou le plus souvent) beaucoup plus organisée qu'on le croit... C’est le cas de ce bouquin finalement plein d’humour, de sagesse et de ces aléas de la vie qui font qu’à un poil prêt, la vie aurait été tout autre !


Pour sa fraîcheur, un livre coup de coeur. Un vrai petit court, serré qui se déguste avec bonheur sous un soleil d’été !

vendredi 12 juin 2015

"Sacrifices" de Pierre LEMAITRE (Ed.: Albin Michel)

"Sacrifices" est le troisième tome de la trilogie Verhoeven de Pierre LEMAITRE. Ce Verhoeven , court sur pattes mais grand commandant de la Police, nous entraîne dans un policier (je ne dirais pas trop vite 'thriller') somme toute assez conventionnel. Le flic-héros a quelques particularités physiques qui en font un "Vu à la Télé" facilement reconnaissable. 
Comme une kyrielle d'autres héros du Polar, il n'est pas trop à cheval sur les règlements, en butte quasi permanente avec sa hiérarchie mais est, en fin de bouquin, tellement fort que personne ne peut lui en tenir rigueur.


Pour le mécanisme d'écriture, tout est dit! Pour l'intrigue, elle est ici un peu faible. Les personnages périphériques, hors équipe Verhoeven, me semble peu crédibles et les ratages du tueur tellement énormes qu'on sent vite que quelque chose ne va pas. Trop de pages avant que la mayonnaise ne prenne... 
Le style de Pierre LEMAITRE relève, ici, d'une écriture peu liée, trop saccadée à mon goût. Le découpage de l'enquête en jours, heures et minutes n'arrive pas, selon moi, à servir un rythme, un crescendo frénétique vers un sommet avant la chute finale.


Et, cependant, le livre se laisse lire, même si persiste un peu l'impression que cet ouvrage n'a pas eu le temps de mûrir, de vieillir en fût, de bonifier dans les cartons de l'auteur et d'être repris en main et peaufiné avant d'être confié à l'imprimeur. 

Bref, un bon petit roman pour prendre le train, le métro ... ou la chaise longue dans le jardin... mais pas plus.

"Rosy & John" de Pierre LEMAITRE (ED.: Le livre de poche, n°33423)

"C'est plus Rosy and John. C'est seulement John and John,
Et John, il va très bien. Et John, il n'a besoin de rien.
"
Extrait des paroles de Rosy & John, chantées, en son temps par Bécaud!

"Rosy & John" est un inédit de Pierre LEMAITRE. C'est une commande de l'éditeur, destinée à marquer le soixantième anniversaire du Livre de Poche. 

La trilogie Verhoeven possédait déjà ses trois volumes. Cela n'a pas empêché l'auteur, pour la circonstance, de convoquer à nouveau, pour ce très court récit (142 pages) , son commandant fétiche, le commandant Verhoeven et son fidèle lieutenant Louis. 

Le premier toujours aussi court sur pattes et particulièrement affûté pour sentir, deviner, circonscrire les personnalités de Jean Garnier, poseur de bombes artisanales et de sa mère Rosie, criminelle impulsive séjournant en prison en attente d'un jugement,. L second toujours aussi performant dans sa manière d'épauler le patron avec son propre regard, ses compétences personnelles et cette fidélité qui détermine la confiance de l'un vis-à-vis de l'autre ... et réciproquement.
L'écriture, ici, est condensée, le découpage assez linéaire mais ne s'encombrant pas de digressions inutiles. Tout au plus l'auteur se permet-il, avec une justesse de ton indiscutable, de partager au lecteur ses apartés laissant entendre que ce qu'il décrit peut donner à réfléchir .... (à propos des traitements réservés aux personnes interrogées, à propos des tensions et guerres entre les différents services de police, à propos des promesses faites alors qu'on sait que la machinerie mise en place sera tout autre , etc). 

Le lecteur est donc invité à rentrer pleinement dans cette histoire devant être rondement menée et , tout à la fois, invité à prendre ses distances et à ne pas être d'accord, par facilité, avec ce qui est raconté.
Et derrière cette chasse aux bombes à déminer avant qu'elles ne tuent, il y a l'histoire poignante d'une relation Mère-Fils qui est liée jusqu'au déchirement, qui souffre le martyr et proclame le contraire.

Un bon polar! Une bonne lecture détente! Un bon Pierre LEMAITRE!

mardi 9 juin 2015

"Objets de splendeur" de Anne CUNEO (Ed.: Bernard Campiche, 1996)

"Objets de splendeur" est le deuxième livre que je découvre et dévore de l'auteure suisse, Anne CUNEO. 

Trempée dans l'Histoire, merveilleusement bien documentée, sa plume nous propose le récit des états amoureux de William Shakespeare pour sa Dark Lady. 

Ce n'est pas l'Histoire, ce n'est qu'un roman ... mais c'est un bon roman! 

Sans jamais écraser le lecteur de détails historiques qui font perdre le fil du récit, l'auteure nous entraîne et nous fait vivre ce Londres des querelles religieuses puritaines, des complots, des manigances pour le pouvoir, des intrigues courtisanes, mais aussi des années noires de la peste, des conditions rudes de l'existence et de la précarité des gens du peuple, artisans, apprentis, comédiens ... 
Et c'est là, pour moi, l'intérêt majeur de ce livre, il nous permet de rentrer dans le monde du théâtre de cette époque. Son interdiction faisait des comédiens d'infatigables clandestins, toujours prêts à s'entraîner, à répéter, à monter et démonter les théâtres pour pouvoir continuer à jouer! C'est l'époque d'un extraordinaire foisonnement de productions théâtrales, d'écritures et d'inventions techniques en plateaux de jeu, coulisses, machineries de toutes sortes. 

Le livre ne date pas de hier (1996) mais l'époque qu'il relate date bien plus encore... Cependant, les pièces de Master William se jouent encore, les comédiens et le théâtre restent des facteurs de divertissement, de réflexion et d'éducation pour notre monde. On y a le droit d'y rire, de se moquer du travers des puissants comme des petites gens, de réfléchir sur la destinée du monde par le biais du pouvoir que nous pouvons prendre sur nos propres vies. 
Nous le devons à tous ceux qui, au travers des siècles, se sont battus pour que vive le théâtre, le divertissement et la liberté d'expression. Cela aussi, Anne CUNEO nous le rappelle avec sa manière de nous raconter l'Histoire à travers un histoire. 
Un vrai bon moment de lecture!  Un coup de coeur!

vendredi 5 juin 2015

"François, le printemps de l'évangile" de Frédéric LENOIR (Ed.: Le livre de poche, n° 33661)

"François, le printemps de l'évangile" est un tout petit essai de Frédéric LENOIR. 

Paru en mars 2014, l'auteur s'appuie sur le ressenti, l'intuition des gens du peuple qui voient un Pape François en profonde réforme de la fonction papale. On sent poindre, chez celui qui doit présider à la destinée de l'Eglise catholique, un esprit de service et non de pouvoir, une humilité bardée de volontarisme avec laquelle ce François, ce Francus, cet homme libre, semble pouvoir s'inscrire dans l'Histoire comme le pape d'un retour aux sources de l'Evangile.

Avec l'habitude qu'on lui connaît dans ce genre d'exercice, Frédéric LENOIR précise qui est ce Jorge Bergoglio devenu François, sa volonté de vouloir une Eglise pauvre pour les pauvres, une Eglise qui ne juge pas, ne se replie pas sur son centre mais s'ouvre à tous, croyants ou non. Bref, une Eglise à l'image de l'Evangile. 
En s'appuyant sur les sources historiques nécessaires, mais légères, les anecdotes rapportées par ceux (amis ou non,croyants ou non) qui l'ont rencontré, Frédéric LENOIR nous brosse l'image de l'homme remis dans le contexte de l'Eglise qu'il habite en lien avec l'Evangile qui l'inspire. 

L'essai est réussi! On sent, toute à la fois, l'humilité de l'homme et sa volonté de transgresser l'usage, de "dépapaliser" sa fonction, d'opérer un grand nettoyage (déjà commencé), son besoin d'une sainte persévérance pour mener les réformes à terme. L'auteur, lui, ne cache pas son espérance que, le temps venu, l'Eglise osera se questionner aussi sur les fondements moraux qu'elle défend au coeur d'une société où croire n'est plus ni une évidence, ni une obligation.

Ce livre respire l'espoir, il n'évite pas les sujets qui fâchent, les faits à dénoncer comme inacceptables au sein de l'Eglise. Ce livre montre aussi le danger permanent dans lequel avance le Pape François. Il est loin, encore très loin, de faire l'unanimité au sein de la curie romaine qu'il bouscule allègrement.
Mais comme les jeunes pousses de printemps ... ce livre est l'annonce d'une possible belle récolte et de fruits savoureux à venir!

Pour les croyants, comme pour les non croyants, il éclaire un Homme debout et une fonction en mutation!

mardi 2 juin 2015

"Train de nuit pour Lisbonne" de Pascal MERCIER (Ed. :10-18 n° 4103)

Deuxième roman (après l’accordeur de piano) que je lis de cet auteur suisse dont on ne s'étonnera pas qu'il enseigne la Philosophie. Encore un roman complexe que ce «Train de nuit pour Lisbonne» de Pascal MERCIER .

Intéressant, riche mais peut-être trop riche en enseignements ou questionnements philosophiques pour pouvoir se laisser lire... Ce roman a besoin de nous, de notre volonté d’entrer dans ce qu’il est pour se révéler à nous... «S’il est vrai que nous ne pouvons vivre qu'une partie de ce qui est, qu'advient-il du reste? » 

Peut-on un jour se rendre chez nous, rendre visite au cœur même de qui nous sommes? Et sommes-nous ce que nous sommes, ce que nous paraissons, ce que les autres voient en nous ou encore tout autre chose? Autant de questions, et bien d'autres, visitées par Raimund Gregorius, professeur de langues anciennes qui laisse penser que l'homme qu'il est, l'érudit, est aussi poussiéreux que les vieux livres qu'il fréquente, tout comme eux centré sur le passé, casanier, semblant fermé au présent... Et pourtant, c'est lui qui, d'un seul coup, quitte sa classe Bernoise, part pour Lisbonne à la rencontre d'un poète portugais, Amadeu Prado, à travers le livre que ce dernier a écrit et les personnages qu'il a fréquenté, parfois aux heures les plus noires de la révolution portugaise.

On part avec lui, à la recherche de soi, du père, de l'amitié fidèle, de l'amour. On se questionne sur les certitudes et les errements qui stabilisent et minent toute vie humaine.

Avec son écriture, somme toute assez classique mais puissante, Pascal MERCIER fait plus qu'évoquer des personnages de roman, il nous ouvre au questionnement sur les forces de vie, celles qui mènent à la démesure comme celles qui donnent la mesure de toute chose.

À l'image de la vie, le roman de Pascal MERCIER est complexe, pas toujours facile à appréhender. Mais comme la vie, il mérite d'être lu!

"Le soleil des SCortas" de Laurent GAUDE (Ed.: Acte sud, collec. Babel, 2004)

J'ai beaucoup aimé ce livre "Le soleil des Scortas" . 
"Le soleil des Scortas", de Laurent GAUDE, a été prix Goncourt en 2004 ... Je ne l'ai su qu'après l'avoir lu. Mais, pour moi, cette distinction était méritée.  J'ai vraiment beaucoup aimé ce livre!

L'écriture est fine, sensible. Elle nous fait ressentir la force de ce personnage qu'est le soleil dans la vie des Scortas. On vibre, on souffre, on se repose avec lui. La famille, celle des Scortas, devient la nôtre, le temps d'un livre, le temps d'une détente qui nous insuffle la force de vie d'un clan, d'une lignée des Pouilles qui a tout connu ... et surtout le malheur, le manquement à la parole donnée, le conflit des valeurs nobles (fidélité au clan, amour, volonté du maintien des traditions et ouverture à de nouvelles façons de vivre le présent et l'avenir) et qui a pu relever la tête, faire face, vivre et survivre avec et pour ce soleil tellement présent qu'il finit par être celui des Scortas!

Pour moi, c'était la découverte de Laurent Gaudé! Belle découverte qui sera suivie d'autres lectures du même auteur avec, je l'espère, autant de plaisir.