Première approche du
livre :
« L’âme du
monde », de Frédéric LENOIR,
peut apparaître comme étant un livre de plus conjuguant avec aisance, les déjà
vieilles recettes de la pensée positive, celles de l’ésotérisme et de la
philosophie antique et le « sociologiquement correct » qui, tout
étant relatif, gomme et réduit les différences pour prôner (intellectuellement)
l’unicité de la grande famille humaine appelée à cesser de se déchirer et à
aller résolument vers demain sur des chemins pacifiés (sic)…
Si l’âme du monde n’est que cela, c’est un livre de trop, inutile ou presque !
Pour étayer mes dires, quelques recettes ou croyances de la Pensée
Positive que d'aucun veulent, en plus, Permanente:
Tout est possible à celui qui a foi en lui-même, qui croit en lui! Chacun
a le pouvoir de décider! Les mots qu'on utilise disent et construisent nos
pensées. Nous en sommes donc les maîtres. Ce que je pense façonne mon existence
et me conduit inéluctablement vers le Bonheur (réussite) ou vers les pentes du
Malheur (échec). C'est moi qui conduis! L'avenir se crée, en moi, dès
aujourd'hui! C'est mon fort intérieur qui en est la source! Je pense, donc je
peux! Ma pensée positive est la clé de ma réussite! ... Si j'ai la foi en moi
... tout est possible!
Pour les mêmes raisons, quelques recettes ou croyances
ésotériques:
L'ésotérisme étant un enseignement réservé à des initiés, ses doctrines
semblent secrètes. En fait, il serait plus juste de dire que la nature même
d'un enseignement ésotérique (intérieur) est tellement d'ordre spirituel qu'il
ne peut être dit dans le contexte usuel des mots. Il doit s'exprimer par des
paroles, des paraboles, des contes, images ou symboles qui, peu à peu
secrètent, distillent au choeur des entités "esprit-corps" des
initiés une nouvelle manière d'appréhender le monde et l'envie de transmettre
aux autres cette vision cosmique par un mode de vie, en actes, paroles et
pensées qui révèlent ce Monde Nouveau atteint. L'enseignement ésotérique
s'appuiera donc sur la profonde connaissance du Monde, de l'Homme et d'une
Sagesse -divine ou sacrée- pressentie dans l'organisation du Grand Tout!
Quant à l’apport de la philosophie antique, je pense pouvoir énoncer, un
peu trop brièvement peut-être, que, premier pas des philosophies qui naîtront
par la suite et se développeront en courants parfois contradictoires, souvent
opposés et trop souvent exclusifs, la philosophie antique se caractérise par
cette volonté de découvrir et nommer ce qui permet le maintien de l'équilibre
organisé du Monde
L’histoire racontée :
L’auteur réunit dans
un monastère du Tibet 8 sages qui reçoivent et se donnent pour
mission de transmettre l’enseignement fondamental qui devra permettre à deux
adolescents de comprendre, d’expérimenter et de transmettre à leur tour ce qui
est nécessaire pour que se maintienne l’âme du monde, cette force bienveillante
qui maintient l’harmonie de l’univers. Bref, on va, comme dans tous
les séminaires « zénétiques », on va se poser les questions du sens
de la vie, de la vraie liberté, du fondement de l’amour, de la réconciliation
corps-esprit, de la nécessité de vivre ici et maintenant, acceptant les
bonheurs et malheurs comme des marches d’un escalier qui permettent de gravir,
de monter vers un plus haut que nous. Comme bien souvent, dans ce
type de « bonnes pensées », il y a un peu de tout. En effet, les 8
sages sont d’obédience très diverses. Pour eux, la source est, selon chacun, le
chamanisme, la philosophie européenne, la mystique hindouiste ou chrétienne, le
soufisme musulman, le kabbalisme juif, le taoïsme chinois ou
encore le bouddhisme tibétain.
Mon avis sur le
contenu :
Avouez qu’avec une
telle richesse, il y a de quoi faire son marché ! Même si,
c’est une évidence, les mêmes histoires, les mêmes contes philosophiques
existent, à quelques nuances près, dans chacune des traditions orales de ces
courants de pensées.
Et, après la lecture
d’un tel livre, « tout le monde, il sera beau, bon, juste et zen … surtout
si, comme moi, il vit sa vie, en plein accord avec son aspiration profonde,
dans le respect du droit que possède chacun de penser ce qu’il veut et de vivre
en conséquence, en harmonie avec lui-même, le monde, le cosmos … [ndlr :
bémol : à défaut de pouvoir vivre dans la vraie vie avec son voisin, qui
plus est, doit être étrange(r) puisqu’il semble ne pas vraiment toujours penser
comme moi ! ]
Voilà, c’est
dit ! Si le livre de Frédéric LENOIR n’est qu’un ouvrage de plus
dans ce genre littéraire, je lui attribue la note de 3/10. Un point pour
l’écriture agréable et facile à lire, un deuxième pour le florilège de contes,
paroles de sages et autres belles pensées avec lesquelles je suis, pour la
plupart, entièrement d’accord et pour lesquelles, un rapide survol de lecture
fait office de rappel des règles de bonnes conduites, ma foi aussi utile que
les campagnes de rappel des règles élémentaires de conduite menées par l’IBSR
ou tout autre organisme de sécurité routière en nos pays. Enfin, le dernier
point, je l’attribue pour la brièveté du livre. Pas besoin de 500 pages pour
délivrer le message !
Mais, à y regarder de
plus près, il y a, au moins, trois autres bonnes raisons de consacrer une bonne
paire d’heures à la lecture de ce récit :
J’aime l’idée que la
Sagesse des anciens soit transmise à des adolescents. Ces jeunes que l’on
perçoit trop souvent comme des « crises » et si peu comme
« l’à-venir ». Le fait que la transmission soit orale et évite donc
le piège du Livre et de toutes ses querelles interprétatives est aussi un clin
d’œil à notre société.
J’aime l’idée que
l’essentiel qui doit être poursuivi est la recherche du dénominateur commun
plutôt que les forces séparatrices. Et l’actualité déchirante
de janvier 2015, en France et dans le monde, ne peut que me
conforter dans cette nécessaire urgence à crier que nous devons nous dresser
pour un vivre ensemble et une intégration de nos différences.
Enfin, j’aime le sens
des nuances contenues dans les propos de LENOIR. Alors que l’auteur vient
de mettre ses sages en recherche et partage, alors que ceux-ci ne sentent
pas encore très bien ce qu’il convient de faire, ils se taisent, prient ou
méditent, chacun dans sa voie spirituelle… C’est alors que l’auteur fait dire à
l’un d’eux : « Nous n’avons pas prié ensemble… mais nous étions
ensemble en prière »… En ces jours sinistres de janvier 2015,
alors que nous sommes tous Charlie, sans doute pour de multiples bonnes
raisons, même si parfois celles-ci semblent incompatibles, il est bon de réfléchir
à la tension qui doit exister entre la volonté d’être semblable sans être
identique. Vouloir percevoir la force des complémentarités plutôt que de se
perdre dans une apparente unicité, à terme, réductrice. On ne peut
jamais autant se rapprocher de l’autre que lorsqu’on garde distance… Pour se
rapprocher, il faut que l’autre ne soit pas moi, mais lui ! Et
ce type de nuances, d’approches subtiles, on le sent très présent dans ce conte
philosophique « L’âme du Monde »…
Mon avis sur
l’écriture :
Frédéric LENOIR écrit
avec aisance. C'est un conteur affirmé. Ce style convient particulièrement bien
ici. Plaçant son récit dans le cadre d'une transmission orale d'un enseignement
pour le Monde, Frédéric LENOIR utilise, avec justesse, les ressorts habituels du
genre: le découpage en sept temps d'enseignement (chiffre chargé de sens dans
la symbolique numérique) les répétions de formules introductives aux prises de
parole, les contes et paraboles qui touchent l'imaginaire et laissent des
traces dans les mémoires, les temps d'arrêts, de silence qui permettent
l'intériorisation du contenu. Tout cela rend l'écriture agréable et la lecture
facile.
En conclusion :
Un livre qui ne
révolutionnera rien … mais qui, peut-être, permettra au lecteur la poursuite
d’une évolution vers plus de sens, de vie, d’amour et de reliance dans
le Monde.
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