vendredi 22 mai 2015

"L'art d'écouter les battements de coeur" de Jean-Pierre SENDKER (ED;: JC Lattès, 2015)






J'ai aimé ... le titre et, pourrais-je ajouter, la couverture du livre. J'avais rêvé en anticipant le plaisir que j'aurais à lire ce petit roman annoncé comme un hymne à la vie, une histoire d'amour exceptionnelle empreinte de spiritualité orientale et digne d'un conte de fées. (Ce n'est pas moi qui le dit, c'est la quatrième de couverture!)

Bof... oui, il y a bien quelques idées touchantes comme la complémentarité de deux personnes, handicapées aux yeux du monde qui, cependant, semblent mieux adaptées à la vie que les dits normaux ou valides. Autre idée qui m'est sympathique, celle qui consiste à affirmer que la plus petite unité humaine n'est pas l'unicité mais l'être deux, la paire, la possible existence d'une relation plus forte, plus riche que la solitude de l'individualité.
Mais avoir besoin de 330 pages pour dire cela, c'est long!

Je n'ai guère vibré au contenu. Je n'ai pas plus été embarqué dans une quelconque spiritualité (orientale ou non) par le style. Est-ce dû à la traduction française qui a été réalisée à partir d'une version anglaise alors que le livre, à l'origine, était écrit en allemand? Peut-être.

Toujours est-il que ce roman ne laisse pas de résonance en moi. Si tôt lu, si tôt oublié. Dommage.

vendredi 15 mai 2015

"Dernière donne" de Jean-Michel GUENASSIA (ED.: Le livre de poche)

"Dernière donne" est une nouvelle version du roman Pour cent millions paru aux Editions Liana Levi en 1986. Jean-Michel GUENASSIA y scénarise une action, en partie, inspirée de faits réels. J'emploie volontairement le terme scénariser plutôt qu'écrire tant l'écriture me semble assez peu développée. Une série de courtes phrases, descriptives du cadre ou de la succession d'actions menées par les uns et les autres. Pas, ou si peu, de réflexions développées, de questions posées à la vie, d'élévations de l'esprit.
L'histoire tient en quelques phrases. Il y a le joueur qui, jouant pour l'adrénaline, perd plus qu'il ne gagne. Il y a son épouse, délaissée et se sentant trahie. Il y a les amis, le faux, retord jusqu'à la moële et le vrai, dévoué jusqu'au bout. Il y a le truand incarcéré qui a encore le sens de l'honneur, sa compagne qui ne le comprend pas et des enjeux, des rêves, des dettes, des projets tordus, des jalousies et des envies de meurtre pour pimenter les relations entre tout ce petit monde.
Je ne sais si cette histoire a donné lieu à un de ces petits films permettant de passer, sans trop penser, une soirée pluvieuse au creux de son fauteuil alors que la sagesse serait probablement d'aller plutôt gentiment au lit!
Moi, je n'ai découvert cette histoire que dans une version papier. Je ne me suis pas embêté, je n'ai pas eu le temps, le livre est court, c'est sa qualité première. Mais de là à dire que j'ai été emballé, il y a un pas que je ne franchirai pas!

"Créance de sang" de Michaël CONNELY (ED.: Points)

Je l'avoue, j'aime l'écriture de Michael CONNELLY. Sans être noire et excessive, elle me prend, même sans beaucoup me surprendre. Elle m'entraîne à la suite de personnages qu'il est possible de vouloir deviner mais qu'il est difficile de cerner au point d'avoir tout vu venir et en être blasé. Je prends donc mon plaisir à suivre cet ancien du FBI, Terry McCaleb, qui a été mis sur la touche en raison de ses ennuis cardiaques, de la greffe dont il a pu bénéficier et du long parcours de revalidation qui l'attend. Retiré sur un bateau à remettre à neuf, seul bien hérité de son père, il se soumet donc au rythme de sa nouvelle vie. L'histoire, sans même débuter, aurait pu, au grand plaisir de son médecin, en rester là. Mais, il n'y aurait pas eu de livre! Connely va donc mettre en scène l'arrivée impromptue de Graciela Rivers, jeune femme qui révèle à Terry que le coeur dont il dispose est celui de sa soeur, abattue pour un fond de caisse par un tueur cagoulé. Terry ne peut se soustraire, il faut le retrouver, il a une créance de sang dont il doit s'acquitter...
Le plaisir, dans ce livre est de le voir reprendre l'enquête de zéro. Remonter l'histoire pour y lire les indices non vus, oubliés, négligés. D'indices en indices, de meurtres en meurtres, de pavés dans la marre en accusations portées contre lui, il va démêler et retisser l'enchaînement des faits jusqu'à comprendre, risquer de se perdre et finalement se trouver.
Un bon polar, un bon moment de détente, une lecture où l'esprit reste capté sans devoir s'investir plus que nécessaire.

jeudi 14 mai 2015

"Les dix enfants que madame Ming n'a jamais eus" de Eric-Emmanuel SCHMITT (Ed Albin Michel)

Dans son livre "Les dix enfants que Madame Ming n'a jamais eus", Eric-Emmanuel SCHMITT réactive les ressorts d'écriture qui avaient déjà porté les autres titres de ce Cycle de l'Invisible. Il n'y a donc pas de vraie surprise. L'écriture reste très efficace, accessible, belle et bonne à lire. Les idées, même si elles se laissent croire déjà connues, restent bonnes à boire... Le plaisir intellectuel réside dans cet arrière goût d'envie de sagesse qui demeure en nous une fois le livre terminé.
Le choc de contraires (un des ressorts classique chez Schmitt), ici, la rencontre entre un cadre commercial européen et une préposée aux toilettes chinoise, donne sa pleine mesure et nous entraîne dans une histoire chargée d'humour, de sagesse et de questions philosophiques qui trouvent leurs réponses dans cet endroit propice(oui, je sais, le jeu de mots est osé, mais je l'assume!). Dès l'entame du récit, on le sent, Me Ming règne en impératrice sur les lieux. Elle sait, et le fait sentir, en son domaine, tous les hommes sont égaux. Peu importe le métier, l'uniforme, l'épaisseur du portefeuille ou le carnet de contacts mondains qu'ils pensent pouvoir présenter comme laisser-passer, tous partagent l'angoisse de savoir si, dès leur arrivée, le regard omnipotent de Madame Pipi leur donnera l'autorisation d'accès et s'ils pourront arriver à temps dans ce lieu d'aisance où ils aspirent tant à se décharger! Face à un tel besoin, ils sont tous égaux!
Et c'est là, au sous-sol, que nos deux personnages centraux vont se lier, mêler leurs vies, leurs rêves, leurs attentes et leurs espoirs. Ce lieu de service à la clientèle deviendra vite, au coeur du récit, un lieu de recherche, d'échange, de partage de vérités même si ces dernières ne sont que des mensonges.
Avec Confucius qui n'est jamais loin Eric-Emmanuel SCHMITT nous invite à accueillir ces graines de sagesse qu'une Madame Pipi peut semer au coeur d'une rencontre humaine. A nous de décider si nous avons envie de les faire germer et d'entretenir leur croissance au coeur de nos vies.
Un bon, simple et paisible moment de lecture.

jeudi 7 mai 2015

"Et Nietzsche a pleuré" de Irvin YALOM (Ed.:Le livre de poche, n°31760)


Je l'ai vu en librairie. La couverture, un peu décalée, et le titre ne passent pas inaperçus pour le lecteur qui, le regard flottant, déambule entre les rayonnages en espérant se laisser "saisir". Pourquoi ne l'ai-je pas acheter? Pourquoi avoir quitté la librairie sans lui? Mon inconscient pourrait y répondre, sans doute. Moi pas. Toujours est-il que quelques jours plus tard, ce livre se trouve dans une pile qu'on me conseille de lire.
Je prends. J'ouvre. Je suis saisi! Tout de suite, attiré, convaincu par ce petit docteur Breuer (plus que par la belle et grande Lou Salomé). D'abord, il pratique à Vienne, fin du 19e siècle. La description de ce monde me paraît fascinante. Les hauts de forme et capuches vestimentaires, la calèche-taxi qui sert de bureau et la description de quelques remèdes d'alors ont des relents de naphtaline et me font rentrer dans un monde quelque peu vieillot alors que, en même temps, je pressens de suite que ce Breuer va être un novateur, un ouvreur de voies, un chercheur qui trouve, un praticien qui veut rencontrer l'humain en souffrance et l'aider avant de vouloir étaler sa rhétorique et sa sciences de guérisseur..
J'ai un rapport très particulier avec les gens de la Faculté. Expériences faites de la suffisance et des certitudes destructrices de certains d'entre eux, alors que, par ailleurs, il m'a aussi été donné de croiser lors de mes immersions hospitalières des pontes médecins, monuments d'humilité, de ténacité, de jusqu'au boutisme dans l'écoute et la recherche des causes profondes du mal à soigner. Alors, d'entrée de jeu, j'aime ce livre où s'installe, peu courante à l'époque, la conviction de Breur que la parole peut guérir.
Irvin YALOM, dans son roman, anime la rencontre fictive de ce Dr Breuer et de Nietzsche qui ne se sont pourtant jamais rencontrés ... mais qui, contemporrains, auraient pu! YALOM maîtrise cet art de dire l'Histoire par un roman où rien ne doit être tout à fait juste sans pour autant que le fond n'en devienne faux.
Le premier, Breuer devine qu'il est possible de soigner par la parole, longuement écoutée, échangée, respectée, crue et délivrée. Le deuxième, Nietzsche, on le sait, philosophe beaucoup sur le rôle prépondérant que l'inconscient joue dans nos vies. Quand au troisième, Freud qui suit, dans le récit, son mentor Breuer sur les premiers sentiers de cette médecine psychique, il développera et reprendra à son compte (d'une manière personnelle un peu exagérée) tous ces liens que tissent nos inconscients et qui sont sources de névroses et de refoulements que la médecine psychanalytique se devra de démêler. Nous voilà donc plonger dans la médecine des âmes, dans la médecine psychique... Mais sans panique, sans crainte de décrocher et de se sentir encore plus nul.
Non, "Et Nietzsche a pleuré" est un livre tendre, chargé d'humour et de pensées de vies qui interpellent et ouvrent des possibles ... mêmes s'ils ne sont pas toujours aisés à choisir. Le livre est un roman qui pousse à vivre debout, à se sentir humble devant la complexité des relations que nous avons avec les autres et, plus encore, la complexité qui préside aux relations que nous tentons de tenir avec nous-mêmes. Mais ces tensions ne sont jamais déguisées par le charabia méprisant qui ne permet qu'au maître de comprendre et qui plonge l'intéressé dans une ignorance peu féconde d'à venir.. Ici, YALOM nous prend par la main et ne nous emmène au jardin secret de nos pensées pour que nous puissions nous y balader sans craindre de s'y perdre. Pas question de nous y enfoncer et apprendre à ne plus s'aimer.

"Et Nietzsche a pleuré", un récit frais qui lève un voile sur les tréfonds de tout un chacun, avec bonheur, pudeur et humour. Un récit qui élève l'homme à sa dignité d'être complexe, riche et capable de devenir maître de son destin. Un livre qu'il est bon de lire! Merci à celle qui me l'a prêté!

"Nymphéas noirs" de Michel BUSSI

Pourquoi lire "Nymphéas noirs" après " Un avion sans elle", du même auteur, opus qui ne m'avait séduit qu'à hauteur d'un petit 3 pour cote? Parce que, fidèle à moi-même, quand j'ai été déçu par une plume, j'essaye de lire un second titre avant de décider d'encore suivre l'auteur ou de le reléguer aux rayons des essais, peut-être pas pires que d’autres, mais pas exceptionnels non plus.
Condamné, à l'époque, à un immobilisme relatif, j'avoue que m'évader en pensées à Giverny me tentait. La couverture était jolie et l'idée même d'obtenir une fleur noire est une quête qu'un amateur de plantes ne peut bouder... Les raisons, subjectives, de me faire basculer dans le camp des 'Bussiïstes' convaincus avaient une réelle chance de vaincre!

Et non! 'Que nenni', comme on dit chez moi!
Au coeur d'un village mythique, d'un lieu qui attirent aujourd'hui les foules, Michel BUSSI nous livre l'histoire de trois femmes, peu attirantes, peu aimables, pas du tout même... Le récit s'étend devant nous, à portée des yeux, plus qu'à portée du coeur. J'ai voulu y plonger. Franchement, je n'ai pas pu. Je suis resté sur le bord. J'ai suivi le récit. Jamais je n'ai été pris par lui. Il ne m'a pas emporté. Il m'a même laissé l'espace pour m'en défaire, rejoindre les souvenirs de mes passages à Giverny, revisiter mes impressions à propos des impressionnistes... Bref, ce livre n'a été qu'un support à ma rêverie personnelle. Et, là aussi, fidèle à mes principes de lecteur, j'ai poursuivi ma lecture. J'ai été jusqu'au bout, sans peine, sans surprise, sans trop envie d'en parler, de le partager...
BUSI se laissant vite lire, ce temps de lecture, quelque peu détourné, a tout de même été un bon moment. Sans devoir m'obliger à comprendre les personnages, selon moi peu charpentés, il a été l'occasion de me faire plaisir, m'octroyant un temps de rêve, caché derrière un livre prétexte.
Alors, 3 pour le livre, 5 pour moi, le profiteur, nous voilà avec une moyenne de 4...
Et c'est mon dernier mot!

mercredi 6 mai 2015

"L'Ogre" de Jacques CHESSESEX (Ed. Grasset, 1973) Prix Goncourt 1973

"L'Ogre" (Ed. Grasset, 1973) est l'occasion, pour l'auteur suisse Jacques CHESSEX, de soumettre à notre jugement une question fondamentale: "Comment se libérer du Père? Suffit-il de le réduire en cendre et de l'enfermer dans une boîte pour qu'il se taise à jamais?"
Son héros, Jean Calmet, est professeur de latin au Gymnasium de Lausanne. Comme le reste de la fratrie, lui, le benjamin, a fui la maison, le silence de la mère et la sempiternelle toute puissance d'un père, monstre d'égoïsme et de suffisance qui, sous le couvert de son devoir de médecin entièrement dévoué à sa clientèle, n'existe que pour le combat qu'il mène en Seigneur contre la mort!
Mais si la mort potentielle de ses patients décuple ses forces de mobilisation à leur service, celle de son fils, toute symbolique peut-être mais pour autant dramatique, ne semble nullement le concerner.
Toute sa vie, il s'est comporté vis-à-vis de ce fils en juge, censeur, ogre et machine à broyer. Le seul but, semble-t-il, étant de le rabaisser pour que jamais le fils ne puisse faire ombrage au pouvoir du Père! A présent mort, la présence du Père, pourtant devenu poussière, est encore plus prégnante. Douloureux héritage qu'un Père trop large, trop glorieux, au sens étymologique du terme!
Jean Calmet pourra-t-il vivre sans l'Ogre? Et nous, moi, en tant que fils, en tant que père, quelle est ma force, ma place en lien avec moi-même et l'autre? J'ai aimé ce petit livre (206 pages) qui met des mots, des maux, sur les liens que nous tissons peut-être d'une génération à l'autre. Pour vivre, faut-il tuer le Père? ... Chacun y répondra à sa façon.

"Un lieu incertain" de Fred VARGAS (J'ai lu, n°9392).

Une rencontre-échange de livres, le temps d'un petit-déjeuner. Elle vient de Suisse et me parle d'auteurs que je ne connais pas; je pose sur la table des livres d'auteurs belges que j'ai envie qu'elle découvre. Et puis, avant de se quitter, elle va dans son sac, en retire un livre dont elle vient d'entamer la lecture, un Fred VARGAS. Je ne connais pas! Elle me le donne. "J'en ai d'autres à lire, tu me le rendras la prochaine fois!" Voilà comment j'ouvre, pour la première fois un VARGAS.
"Un lieu incertain" (J'ai lu, n°9392). J'ouvre et je lis. Je suis pris. J'aime très vite cet Adamsberg, policier hors normes, hors propos, hors tout, sauf compétence et reconnaissance des compétences de chacun des membres de son équipe. Là, je suis séduit, j'aime ce type de personnage! Et puis son ton décalé, sa manière de pratiquer le grand écart en permanence, de penser dans les nuages et de s'enraciner au plus profond du moindre détail par lui seul observé. J'aime cette obsession à faire du lien avec tout: l'ours du salon, le mangeur d'armoire, les pieds découpés et l'araignée qui a piqué son voisin. Et, à côté, j'aime le puits de sciences qu'est Danglard, son collègue et la phobie de ce dernier à passer sous la Manche ou sa maladresse à y amorcer une aventure amoureuse.
La plume de VARGAS est légère, précise, parfois acérée, elle stylise ses personnages, en pleins et déliés. Ils ont tous du caractère, tous une valeur à part entière et quasi égale dans l'avancement de l'histoire. Une vraie écriture de fond qui sert magnifiquement ce genre dit 'superficiel' qu'est le polar. Préjugé que je ne partage pas du tout, le polar ayant, à mes yeux, une vraie place dans les récits qui nous invitent à revisiter notre "petit monde pas toujours joli,joli!".
Et cette fois, de quoi s'agit-il? Fred VARGAS nous entraîne dans un lieu incertain. Avec le charme dérisoire d'une histoire de Vampires à laquelle on ne peut croire, raison oblige! ... mais qu'on suit tout de même avec grand intérêt, l'auteur nous plonge dans ce milieu glauque des histoires de familles, des souffrances ressassées, des injustices aux relents d'éternité, de la vengeance qui donne tout son sens à la vie puisqu'elle veut la mort! Au nom de la Lignée de sang, nourris par les imaginaires collectifs et destructeurs des anciens, pétris du milieu dont ils ne peuvent se dépêtrer, il en est un qui ne peut vivre qu'en cherchant à mettre un point final et glorieux au passé qui le mine et qu'il traîne aux pieds depuis des siècles.
Pour donner un avenir au présent, Adamsberg doit mettre fin au passé! Bien sûr, il y arrivera... mais comment?