jeudi 6 août 2015

'Une odyssée américaine' de Jim HARRISSON

'Une odyssée américaine' est le premier livre que je lis de cet auteur Jim HARRISON. Peu, très peu emballé par une écriture répétitive à l'image, selon moi, d'un électroencéphalogramme plat!
Cliff a enseigné la littérature, puis a repris la ferme de la belle-famille . A soixante deux ans, il a perdu son chien, se retrouve largué par sa femme, dépossédé de sa ferme et sans avenir. Prenant avec lui un vieux puzzle de son enfance dont chaque pièce représente un des état des Amériques, il embarque dans sa vieille guimbarde et prend la route comme on prend la fuite. Au passage de chaque frontière d'un nouvel état, de sa voiture, il jettera la pièce correspondante de son puzzle... L'idée est plutôt sympathique et cette transhumance aurait pu déboucher sur une jolie découverte du fin fond de l'homme et de l'Amérique ...
Mais voilà, de digressions en souvenirs décousus, tous les chapitres se ressemblent. Quand on en a lu un, on les a lus tous! Dans tous ces états, pour lesquels il se donne le projet d'en modifier le nom ainsi que celui de l'oiseau emblématique, Cliff avalent des kilomètres, prend des photos de bovidés, observe les oiseaux et cherche à pêcher... Et après? Rien, ou si peu! Le reste du temps, dans la plus grande des confusions, il monologue, le plus souvent, avec son passé, ses fantasmes, les émois sexuels dont il se souvient, qu'il réitère sans mesure avec Marybelle, une ancienne élève, quarantaine bien faite, qui l'a rejoint dans cette errance sur les routes américaines.
J'ai eu beaucoup de peine à rêver, à m'associer, en masque ou même contre-masque, avec un tel personnage! Peut-être fallait-il lire, en filigrane, une réflexion sur l'âge qui avance, sur le couple qui a des difficultés à se fidéliser, sur la valeur des gens en fonction du salaire qu'ils génèrent ou de l'importance d'un lien téléphonique permanent qui semble une nécessité absolue de vie pour les uns alors qu'il est fil et boulet à la patte pour d'autres? Peut-être n'ai-je pas bien lu. Peut-être suis-je passé à côté d'une réflexion profonde cachée derrière cette succession incessante d'instantanés de vie qui se répètent et se répètent de chapitre en chapitre! Mais comme l'histoire est linéaire et plate, la réflexion prend la même forme. Peu, pas, de développement de la pensée, d'invitation à une élévation de l'esprit!
Bref, un livre soporifique qui en apprend peu sur les états d'Amérique, sur l'Homme et sa recherche d'une vie fondée sur des valeurs qui donnent à chacun de trouver sa place en lien avec lui-même et avec les autres. Un livre qui ne m'a pas nourri! A oublier...
Mais, je donnerai une seconde chance à Jim Harrison. Je me soumettrai à une autre découverte de cet auteur... D'après de nombreuses critiques, il serait bien capable de me surprendre... J'en serais ravi!

mardi 28 juillet 2015

"Provence toujours"de Peter MAYLE

Peter MAYLE, auteur britannique vit en Provence où il a installé sa table d'écriture. Avec le regard détaché du Britannique (qui ne l'est plus aux yeux de ses compatriotes) et sous le regard amusé des Français (pour qui il est en passe d'adoption), en dix-neuf petits chapitres, l'auteur nous donne des nouvelles de la Provence. Nouvelles, car ce livre, découpé en histoires courtes et indépendantes, pourrait bien être rattaché à ce genre littéraire. Mais nouvelles aussi car les situations qu'il nous propose sortent réellement des sentiers battus et des circuits touristique prévus pour ceux 'qui passent' par là-bas. Lui, il y vit, c'est autre chose, là-bas!
Citation: Les jours passent lentement mais les semaines filent. Aujourd'hui nous mesurons l'année suivant des méthodes qui n'ont pas grand chose à voir avec les agendas et les dates précises. Il y a les amandiers en fleur de février, les quelques semaines d'affolement pré-printanier dans le jardin quand nous tentons de nous attaquer aux travaux que nous avons envisagé de faire durant l'hiver. Le printemps est un mélange de cerisiers en fleur et d'un jaillissement de mauvaises herbes ... L'été peut commencer en avril. Ou bien en mai. Nous savons qu'il est arrivé quand Bernard nous téléphone pour nous aider à découvrir et nettoyer la piscine.
L'écriture est simple, facile à suivre. Je n'ai cependant pas retrouvé, dans ce livre de Peter MAYLE, la même verve et le même humour que dans son livre "Une année en Provence". Comme s'il avait voulu poursuivre l'exploitation d'un filon quelque peu épuisé déjà. Par contre, il réussit à toucher par sa présentation des truculents personnages de la France profonde (et ce n'est absolument pas péjoratif sous ma plume!)... On se prend à aimer le truffier et ses chiens, les crapauds chanteurs, l'athlète de la gourmandise ou encore la leçon de Pastis
Pour moi, l'ingrédient le plus puissant du pastis, ce n'est pas l'anis, ni l'alcool: c'est l'ambiance!
Avec Peter MAYLE, on aurait aussi envie de ne plus jamais être que des visiteurs permanents d'un pays qui n'est pas le nôtre; mais où on peut avoir le bonheur d'être bien accueillis! Merci Provence!

samedi 25 juillet 2015

"Les jardins de lumière" de Amin MAALOUF

"Les jardins de lumière" (Ed.: Le livre de poche, n°9516), une perle offerte par Amin Maalouf. On ne présente plus cet auteur à qui on doit, notamment, "Les identités meurtrières" ou "Les croisades vues par les arabes"...
Une fois de plus avec sagesse, il nous propose, ici, une biographie (romancée) de Mani (peintre, médecin et prophète du 3e siècle de notre ère) dont le mode de pensée a donné son nom au manichéisme... Mais sait -on vraiment ce qu'il disait? A quoi il invitait? Vers quelle sagesse il voulait pousser ses pas? Mani avait tellement bien mis le doigt sur les dysfonctionnements des croyances d'alors qu'il s'est mis à dos toutes les religions de son époque. Sa vision a été jugée dérangeante, trop tranchante, sans nuance et donc simpliste au point de ne pouvoir tenir la route face aux fondamentaux des doctrines qu'il bousculait.
Hé oui, la sagesse a toujours la vie dure face aux vies et croyances repliées sur elles-mêmes!
Avec son élégance de style, la lenteur apparente de son écriture qui permet à la pensée du lecteur de percoler de l'esprit au coeur, Amin Maalouf nous invite à entrer dans une vision humaniste du monde qui chercherait à concilier les différentes religions plutôt que les opposer. D'une brûlante actualité, il nous introduit dans à un travail d'ouverture sur nos racines et nos fondements philosophiques.
A lire, à partager ... à distiller dans nos quotidiens!

lundi 13 juillet 2015

"Eldorado" de Laurent GAUDE (Ed.: J'ai lu, n°8864)




"Eldorado" de Laurent GAUDE (Ed.: J'ai lu, n°8864) est le deuxième livre que je découvre de cet auteur. Une nouvelle fois, j'ai aimé!

Qu'ai-je aimé? Le thème, d'abord. L'auteur met des mots, des images, du ressenti et un questionnement sur ces yeux pétillants des migrants en quête d'Eldorado. *...Les émigrants ont le cœur si grand qu’ils ont tout l’univers dedans (comme le chantait Bruno BREL).
On a tous, en tête, des images de ces migrants que d'aucuns exploitent et abandonnent,tragiquement tandis que d'autres les recueillent ... pour les remettre à la justice qui les renvoie à la case départ. Et comme souvent, devant la complexité d'un système foireux, on a envie de bouger, de faire quelque chose ... mais on ne sait trop quoi, on remet à plus tard, puis on abandonne et oublie ce qui criait à l'injustice en nous.
Ce livre a donc le mérite d'aborder la question même si aucune des réponses partielles proposées n'est satisfaisante. Mais au-delà des idées qu'il rappelle à notre esprit, il parle au coeur, ouvre à la réflexion.

Et puis, une autre bonne raison d'aimer ce livre, c'est la délicatesse de l'écriture. Sans jamais forcer le lecteur à une prise de tête qui pourrait être aussi ardue que peu productive, Laurent GAUDE nous propose une plume fine, sensible et 'titillante'. Il n'impose rien, mais par ses descriptions, ses silences, la juxtaposition de deux errances en sens contraires, l'auteur nous prend au coeur du texte et nous entraîne dans le questionnement, les doutes et les certitudes de ses personnages. On s'y retrouve, ou non. Mais on ne s'y perd pas... parfois même on peut y gagner une autre manière d'observer le monde, ses dysfonctionnements et les tentatives un peu folles de certains pour ramener un peu plus de sagesse et de justice sur Terre. 

Un livre court, vite lu, mais qui peut laisser des traces ...
C'est pour cela que j'ai aimé ce livre. C'est pour ces raisons que je le recommande!

jeudi 9 juillet 2015

"Le petit mensonge de Dieu" de Cyril Massarotto (ED.:Xo , 2014) a un titre accrocheur... C'est sa qualité!

Tout juste mort, le héros du livre doit bien constater qu'un 'après', même incroyable est plus que crédible. Il ne peut taire sa colère face au mensonge de Dieu. Celui-ci a bon être son pote, il n'avait pas le droit de lui dire que la mort était une disparition dans le néant.
A peine plus d'une seconde après son entrée en néant, l'homme doit gérer les rites de son introduction dans ce qui l'au-delà: ni l'enfer, ni le paradis... n'empêche! En plus, la responsabilité de toutes les décisions à prendre lui incombe. Môssieur Dieu,propose, lui, mais laisse libre... Facile ça! Mais, c'est comme ça, il faut s'y faire, même Dieu ment!

Avec humour (diront certains), poésie (trouveront d'autres), fantaisie, (on pourrait tomber à peu près d'accord la-dessus), MASSAROTTO nous offre une paire d'heures de lecture insouciante et sans effet papillon sur ce que sera notre vie, notre perception de la mort, de son après et des questions philosophiques que le thème de la mort brutale entraîne habituellement.

Le fond, comme l'écriture lente, répétitive, sans grande surprise, font de ce livre un bouquin que je n'arrive trop à cataloguer. Est-ce un roman? Un conte? Une fantaisie poétique? Fatrasie, peut-être? Somme toute un peu de tout ... mais beaucoup de rien! Déception.
Allez, je me donne le projet de lire un deuxième livre du même auteur avant que de le classer comme à suivre ou à oublier définitivement!

mercredi 8 juillet 2015

"Victoria-Hall (ED.: Actes sud, 2005) de Metin ARDITI

"Victoria-Hall" est un livre signé Metin ARDITI, auteur né à Ankara et vivant à Genève. Un nouveau pas dans ma découverte de la littérature 'Suisse'...

Derrière l'histoire de Armand Hugues, homme se voulant toujours impeccable, à la place qu'il se dit devoir tenir dans le grand puzzle forcé de la vie, il y a l'histoire d'un homme qui doit apprendre à se quitter, à se détacher de la brillance qu'il s'impose. Un irréprochable qui doit apprendre à devenir un homme pétri de doutes, de joies, d'erreurs, d'approximations et dont les certitudes doivent lui être dictée par l'existence et non par le costume étroit d'une 'non-vie' qu'il endosse depuis tant d'années.

Le lecteur est donc introduit dans ce qui dirige la vie de ce héros auquel il n'a pas trop envie de s'identifier: sa banque, son mariage, sa collection de lettres d'écrivains... du factice bien triste, tout cela! Puis, peu à peu, il voit cet automate, chantre de la rigidité, apprendre à perdre le contrôle de ce qui est établi pour enfin trouver vraiment qui il est. Au coeur de tractations pour obtenir une lettre inédite de Kafka,Armand Hugues s'ingéniera à promouvoir le talent d'une jeune soprano... et tout basculera...

Metin ARDITI, avec une écriture qui sonne juste, sans fioriture mais toute en délicatesse, entraîne le lecteur dans le monde de la Musique (il a été Président de l'Orchestre de Suisse romande pendant une douzaine d'années) mais aussi dans ce mode de vie genevois, lourd, pesant et empreint de la volonté de s'exhiber en cachant sa réussite, de posséder sans avoir l'air d'être riche, de contrôler une position sociale tout en restant effacé. C'est admirablement décrit.

Le concours de chant, dans la mythique salle du Victoria-Hall et le décès de sa maman avec son retour aux origines amèneront Armand Hugues... à n'être plus que lui-même et, enfin, un papa s'adressant à sa fille en parlant vrai!

dimanche 5 juillet 2015

"Corps en miettes" de Sylviane AGACINSKI (Flammarion, édition revue et complétée, 2013).

"Corps en miette", de Sylviane AGACINSKI a été publié en 2009. La nouvelle édition que je viens de lire (Flammarion, 2013), a été revue, complétée et actualisée par l'auteure.
La question: Le propos reste le même. Quel sens éthique peut-on donner à l'enfantement par une mère porteuse ? Quel est le baby business qui se cache derrière cette pratique rebaptisée, pudiquement ‘GPA’ pour ‘gestation pour autrui’ ?

Le coeur même de cet essai philosophique: Dans la foulée d'une kyrielle de grands penseurs de l'humanité mais avec des termes simples, des mots et des phrases à la portée des citoyens que sont les lecteurs, Sylviane AGACINSKI, philosophe, dénonce la violence extrême qui prévaut dans cette pratique de ‘location d’un corps, usine biotechnologique à bébés !'
Avec justesse, elle démonte les manigances des lobbies qui tirent les ficelles et des bénéfices juteux, en invitant les femmes ‘au grand cœur’ à donner ‘un peu de leur personne’ pour ‘sauver de la détresse les pauvres couples vivant l’horreur de ne pouvoir avoir d’enfant’ ! Avec brio, pour qui accepte de la suivre, elle démontre les énormes erreurs qui entachent ces raisonnements faussement altruistes. Les mères porteuses, partout dans le monde sont les pauvres, les couples qui passent commande sont les riches. L’incapacité pour une femme à être enceinte est un problème médical qui n’est en rien guéri par le fait qu’une autre se prive de son corps, de sa vie affective, de son identité fondamentale de mère et de l’enfant - le sien ! – qu’elle doit ‘livrer’ dès la naissance. ...
Replaçant toute son analyse dans une approche très documentée, avec de nombreuses références et commentaires en bas de page, l’auteure resitue le saisissement actuel du Corps par l’Economie. Elle montre combien la servitude des femmes de jadis a évolué sans pour autant, peut-être, vraiment régresser. Plus spécifiquement, elle s’attache à montrer combien, de nos jours, il existe trop de possibilités favorisant la production d'enfants ‘fabriqués’ au cœur même d’un marché du corps qui pousse l’homme, la femme, à se séparer de son ‘insubstituable corps’.
Aller dans le sens de l’apologie mystificatrice de la GPA, c’est perdre la dignité de l’Être.
En conséquence, l’auteure appelle au maintien de la Loi française interdisant toute pratique commerciale du corps, interdisant donc la gestation pour autrui. Elle appelle notre société à laisser prévaloir la suprématie de la dignité sur celle de la liberté individuelle.

Sujet, ô combien actuel! : Alors que le débat refait surface au cœur du monde politique français et européen (voir JT de ce 3 juillet 2015), ce livre a, pour moi, l’excellent mérite de replacer la GPA dans un cadre éthiquement plus large que celui habituellement souligné par ses partisans. Une vraie réflexion morale, éthique, profondément humaine...
Mon coup de coeur, pour ce livre, trouve son origine dans ma satisfaction d'avoir pu, grâce à la fluidité étayée de pensée de l'auteure, mettre des mots et un cadre conceptuel à ce qui était mon ressenti à propos du sujet traité !

mercredi 1 juillet 2015

"Un aller simple" de Didier van CAUWELAERT

'Le hasard fait bien les choses' ... dit-on! Je ne me souvenais même pas du titre de ce livre "Un aller simple" de Didier van CAUWELAERT (Ed.: Albin Michel, 1994, Prix Goncourt). Une fois de plus, la curiosité me poussant à fouiner dans les bacs des bouquinistes a fait de moi un heureux. Plus de vingt ans après sa sortie de presse, je découvre Aziz avec plaisir.

L'Histoire:  Aziz est un personnage, haut en couleur, en imagination débordante et en tendresse offerte. Arabe, ne parlant que le français, cet émigré clandestin qui n'en est pas un, ce manouche qui ne l'est pas plus, ce spécialiste des autoradios qui ne doit son titre qu'à la bricole ... est un vrai personnage! Entre conte et roman, bien malgré lui, il va retourner au pays qui n'a jamais été le sien et ramener à la vie son attaché humanitaire qui, faute de pouvoir aimer ses racines, se détache de tout et surtout de lui-même.

Ce que j'en pense: Avec humour, l'auteur nous entraîne dans un monde imaginaire finalement, bien plus réel qu'on ne le croit! En ce temps de transhumance estivale, "Un aller simple" est une invitation à voyager au coeur de nos racines. Un bon moment de lecture!

mardi 30 juin 2015

"Oscar et la dame en rose" de Eric-Emmanuel SCHMITT (ED.: Albin Michel, 2002)

L'occasion fait le larron...: Pour 1€, en magasin de Récup (3R à Herbestal, Belgique), j'ai retrouvé ce livre que je ne possédais pas, même si je l'avais lu à l'époque de sa parution chez Albin Michel en 2002. Je n'ai pas résisté, je l'ai fait mien, je l'ai relu. 
Ce que je pense de l'écriture: J'ai retrouvé la poésie qui préside aux livres du cycle de l'invisible chez Eric-Emmanuel SCHMITT. Ne nous trompons pas, la naïveté n'est qu'apparente. Elle est bien plus qu'un artifice d'écriture faisant parler et écrire un enfant cancéreux qui est, à l'aube du temps, déjà au terme de sa vie. 
Le coeur du récit: Ce livre est une réflexion sur l'invisible, sur ce qu'il nous faut faire exister si nous voulons y croire. Et les lunettes, ici, sont celles d'une vision d'un Dieu à qui on peut parler, écrire même en ne connaissant pas son adresse (on le fait bien avec St Nicolas ou le Père Noël!) et qui répond, à qui veut l'entendre, dans la simplicité d'une non puissance accompagnatrice de la Vie! Ce livre, comme tous ceux du cycle de l'invisible, est une invitation de l'auteur à prendre un peu de hauteur sur nos vies, nos devenir, nos préoccupations premières, toutes "encrées" des turpitudes de la vie mais qu'il nous appartient de sublimer par un regard porté à l'essentiel, au-delà des apparences.
Ce que j'ai apprécié: Ce livre nous est proposé, jamais imposé. Il n'y a donc aucune mièvrerie à lui reprocher. On prend ou on rejette. C'est le lecteur qui décide!
Et puis, par le style fait de phrases courtes, de séquences temporelles repérables, ce livre est un peu comme un album photo qu'on nous invite à compulser. Page après page, la vie avance, de l'enfance à la vieillesse. Elle avance vers la fin et la réponse aux faims que la vie a suscité...
Un livre tendresse, un livre qui éclaire la route, un livre qui rend une place à la limite, à la nécessité de faire du lien, à celle de se donner des moyens, avec humour, de se prendre la vie, la mort en pleine face!

dimanche 28 juin 2015

"L'homme à l'envers"de Fred VARGAS (Ed.: J'ai lu, n°6277)

L'intrigue: Avec "L'homme à l'envers", Fred VARGAS nous entraîne cette fois dans une road-movie sur les traces d'un Loup-Garou! Dans le Mercantour, les loups ont été réintroduits par la volonté de quelques bureaucrates-naturalistes-nostalgiques d'un équilibre naturel passé. Pour les bergers de l'endroit, le Loup n'est pas le bien venu. Tout au plus, on le supporte s'il reste sur son terrain de chasse, dans le parc naturel. Mais quand il le quitte, se met à tuer brebis après brebis, on s'émeut, on s'arme. Quand le Loup, se met à tuer Simone, femme du pays au caractère trempé et appréciée de tous, le Loup devient Garou. Camille, Soliman et le Veilleux se lance à sa poursuite. De nouvelles perte en bêtes, en nouveaux meurtres en homme, ils lui collent au cul, le ratent de peu alors qu'ils le suivent toujours de près... à moins qu'ils ne le précèdent de peu...
Ce que j'ai apprécié: L'auteure, Fred VARGAS, nous livre ici un roman qui donne à son commissaire Adamsberg un joli rôle, à la fois amoureux, rêveur et capable de s'intéresser et suivre l'affaire depuis Paris bien avant qu'il n'y soit requis, capable de sentir comment le vent passe, tourne et revient dans les arbres...
Une fois de plus, une belle inspiration puisée au stock des mythes et légendes qui fascinent le petit monde de tous ceux qui n'y croient pas- bien sûr! - alors pourtant qu'ils calquent leurs réactions sur les frissons, les peurs et les 'va-t-en guerre' de tous poils qu'ils suscitent toujours.
Bref: Un bon VARGAS ... même si la fin se laisse quelque peu deviner. Mais cela ne détruit pas le plaisir de lire!

vendredi 26 juin 2015

"Les chaussures italiennes" de Henning MANKELL (Ed.: Points, n°P2559)



Avant tout, une écriture! : "Les chaussures italiennes" est un bijou d'écriture. Dans un style qui donne à voir et à imaginer, un verbe qui dit l'essentiel et laisse résonner les silences...
Henning MANKELL, connu et apprécié pour ses romans policiers et son inspecteur Wallander est aussi une grosse pointure dans le domaine du roman social, que ce soit par ses analyses fines du monde de l'Afrique ou celles de la société des pays de la froide Baltique. Ce livre ne fait pas exception. Son talent y est omniprésent. 

L'intrigue: Mankell nous conte le parcours de Frederik Welin, ancien chirurgien devenu solitaire, bourru sur son île. Dans un inconfort austère rimant parfaitement avec le ratage apparent de son existence, il vit entre sa maison, l'appentis, le ponton et son trou dans la glace. Pour compagnie, il n'a que son vieux chien, un chat, une fourmilière et sa solitude amère, à peine perturbée par les seules visites de Jansson, son facteur hypocondriaque .
Mais tout bascule lors de l'arrivée sur sa glace de Harriet, son amour de jeunesse. Mourante, elle vient lui réclamer l'accomplissement d'une vieille promesse: aller jusqu'au lac dont il lui a tant parlé alors.
Et l'épopée commence. Traverser les paysages glacés s'avérera bien plus simple que de réemprunter les chemins d'une vie ancienne qu'il croyait sans surprise. Le retour vers son passé sera bouleversant. Il lui faudra apprendre à retisser des liens, à mettre des mots sur l'essentiel à partager et à "aller jusque là!" Pas plus loin, peut-être, mais jusque là.

Au-delà de l'histoire, un regard profond sur le monde: A travers ce roman, ce sont les thèmes de la réussite professionnelle, du lien social, de la famille, de l'erreur et de sa réparation que Mankell aborde. L'histoire, pour le plaisir de lire, nous permet de nous laisser porter par la fiction... les silences du livre nous invitent à plonger dans nos propres relations aux autres, au monde et à nous-mêmes. 
En conclusion: Un très bon MANKELL!

dimanche 21 juin 2015

"Comment j'ai vidé la maison de mes parents" de Lydia FLEM (Ed.: Seuil, 2004)

Livre prétexte? : "Comment j'ai vidé la maison de mes parents" fait partie de ces livres 'tranches de vie' que d'aucuns ont besoin d'écrire pour trouver la sortie du labyrinthe de leur vie, tandis que d'autres ont plaisir à les lire pour l'effet miroir que ce genre littéraire opère quasi chaque fois; miroir, heureusement, suffisamment déformant pour pouvoir en sourire.

L'écriture: Lydia FLEM ne renie pas ici sa formation de psychanalyste mais sa plume reste légère sans être mièvre, drôle sans être hors propos. 

Le fond: Elle nous introduit à la question fondamentale de l'héritage. Quant des parents nous lèguent des biens, explicitement, ils nous confirment leur envie de nous voir devenir les responsables et propriétaires de ce qu'ils nous donnent. Quand nous héritons, nous devenons brusquement et totalement maîtres de la destinée des biens qui ne nous ont jamais été donnés et que nous n'avons jamais pris. Ils nous tombent dessus avec l'obligation de décider ce que nous en ferons... Dilemme! Garder, jeter, donner ou (pire parfois) vendre?
Peut-on se détacher d'une histoire qui est aussi la nôtre? Car vider la maison de ses parents, c'est partir à leur découverte, apprendre à propos d'eux ce qui jusque là avait été tu. C'est violenter leur silence et, tout en même temps, assurer la solidité de la lignée, redécouvrir nos racines et interroger notre mode de vie, en total décalage, souvent, avec celui de nos parents.

En conclusion: "Comment j'ai vidé la maison de mes parents" est un petit livre qui parlera à certains, probablement de manières très différentes ou qui laissera indifférent... A chaque lecteur de se positionner en fonction des greniers qu'il a déjà ou aura encore à vider.

vendredi 19 juin 2015

"A l'Ouest" de Olivier ADAM

Mon appréhension avant d'ouvrir ce livre: J'avais écrit, après la lecture de "je vais bien, tout va bien": Bref, je croyais découvrir un livre, je n’ai visionné qu’un film. Aucun espace de résonance, pas de place au lecteur pour entrer dans une complexité de la vie, des personnages, de leurs quêtes. On a, paraît-il, tiré un film de ce roman, cela me semble évident. L’adaptation n’a pas été trop compliquée, à mon avis ! Mais de roman, il n’y en a pas… Dommage !
Néanmoins, fidèle à moi-même, refusant de condamner sur une impression, je m’en vais lire (lire plutôt que voir, j’espère) la deuxième partie de ce diptyque « À l’ouest »

Je m'y suis tenu ... 

Jugement sans appel!: Après la découverte fastidieuse et sans plaisir de "A l'ouest", le lecteur que je suis persiste et signe, ce livre de Olivier ADAM ne vaut pas les arbres abattus pour l'imprimer!

A propos de l'écriture: En gros, une non-histoire avec un style qui n'en est pas un (car s'il en était, il faudrait le cataloguer de style pauvre, plat, lourd et dénudé de toute envolée transportant le lecteur vers, ne fusse qu'un instant, une approche du 'plaisir de lire'!).

Bref, rien qui me donne envie de suivre cet auteur!

jeudi 18 juin 2015

"Le très corruptible mandarin" de QIU Xiaolong (Ed Points N°P1703)

"Le très corruptible mandarin" est une découverte. Comme de nombreux écrivains de Polar, QIU Xiaolong a donné à son héros, le camarade inspecteur Chen (rien que cela, c'est déjà tout un programme!), une caractéristique qui fait de lui un être 'décalé'. Nous avons affaire ici à un policier poète, à moins que cela ne soit un poète policier. C'est, pour le moins original!
L'écriture: L'intérêt, pour l'auteur, c'est de pouvoir ponctuer la manière de penser de son héros par des extraits de (vrais) poèmes traduisant le mode de pensée chinoise. Cela donne un rythme, lent, empreint d'une sagesse que l'on voudrait universelle même si la formulation est quelques fois déconcertante pour les occidentaux cartésiens que nous nous revendiquons d'être.
Le fond: Sous prétexte d'écrire un polar, Qiu Xiaotong se lance, et nous plonge, dans une critique acerbe des déviances des hauts cadres qui, au nom de l'intérêt suprême du Parti, s'encanaillent, corrompent et se laissent corrompre dans le seul but d'asseoir leur pouvoir et d'étoffer leur coffre en banque.
Sans aucune concession, il nous dépeint un communisme capitaliste qui fait froid dans le dos.
En conséquence: Sans nul doute, je veillerai à lire d'autres romans relevant de cette littérature chinoise moderne.

mardi 16 juin 2015

"Les dieux sont vaches" de Gwendoline HAMON (Ed. JC Lattès, 2014)

Zélie est une jeune femme expéditive dans ses jugements, ses mises en actes et ses impulsions relationnelles. Mais face à sa mère, Caroline, elle se sent depuis toujours démunie, niée, dépersonnalisée, encombrante... Sa mère, hors-normes, originale par besoin vital de se sentir autre, est en constant décalage avec ce qu'on est en droit, pense-t-on, d'attendre d'une mère. Pendant des lustres, elle n'a raté aucune occasion de se désintéresser de sa fille-enfant, trop préoccupée à séduire, embrasser la vie et ses amants. Aujourd'hui, Zélie est adulte mais le combat continue. Sa mère a toujours une remarque à faire, un piège à tendre, un amant contre nature à lui fourguer...
Et brusquement, Zélie découvre que sa mère Caroline est bien proche du terme de sa vie. Le cancer est là, son dénis aussi, ses souffrances, ses soifs de retrouver et reconstruire des lambeaux de vie-souvenirs heureux... Zélie, sa sœur Julia, leur père et de nombreux amis vont s’y employer !
Avec son regard chaviré par le coup vache de la vie, mais pétillant de soleil par les découvertes qu'elle fait en partant à la rencontre de sa maman et en remontant le temps du temps d'avant, Gwendoline HAMON nous raconte avec brio, légèreté et gravité une histoire bien réelle, si tendre, si dure et si commune pourtant. L'attirance mère-fille est celle des aimants, répulsive lorsqu'elles cherchent à être du même pôle, attractives lorsqu'elles se positionnent en pôles contraires. Un vrai jeu de 'Je t'aime mais qu'est-ce que tu m'énerves!... et c'est justement parce que tu m'énerves que je sais que je t'aime.
Quand la vie à venir se décline en mois, en petites semaines, en quelques jours, une heure ou deux peut-être, on prend la mesure des liens qui nous relient bien au-delà de leur fragilité apparente. Et parfois, ce n'est qu'après le terme qu'on réalise que les Dieux n'ont pas toujours été vaches avec nous!

Ce livre est une invitation au Carpe Diem, dans son plein sens!

dimanche 14 juin 2015

"La maison en Calabre"de Georges HALDAS

"La maison en Calabre" est une chronique datant de 1973. Elle a été écrite par Georges HALDAS, auteur suisse dont la manière d'écrire pose clairement un regard critique et bienveillant sur le monde. 
Ici, le prétexte est une arrivée en Calabre de quelques amis genevois à qui une jeune calabraise avait fait miroiter la possibilité de vacances de rêve, dans une petite maison avec vue sur mer et jardin ... Bref, "de quoi être heureux comme des Papes!
Mais voilà, une fois sur place, la villa n'est qu'une maison toujours en construction, non ou si peu meublée. Le jardin est une bande étroite de gravats; la vue, un champ de maïs et l'odeur fraîche de la nature, celle du cochon et de son auge qui jouxte la maison.
Scandale pour ces riches venus du Nord qui étaient venus là pour avoir des vacances et qui, vu le prix (somme toute assez modeste), se sentent en droit d'en "avoir" plus... Incompréhension pour ces gens du Sud qui, sur base de leur ancestral mode de vie ne peuvent même pas imaginer qu'on puisse avoir besoin de vacances et qui ne comprennent pas les exigences de ces arrivants , ne sachant que faire pour "être" plus accueillant vis-à-vis d'amis d'amis! Et entre eux, riches et pauvres, toute la suspicion du monde!

L'écriture pourra nous sembler un peu passée, délavée par le temps, une écriture qui utilise des procédés que plus personnes n'utiliserait tant ils semblent alourdir le récit ( l'amie F ne sera jamais autrement nommée que par une lettre, de même que M. L; le prix à payer pour la location restera x francs sans autre précision, et la concordance des temps, parfaitement respectée, fera la part belle au Passé Simple, aux Subjonctifs et autres subtilités propres aux belles plumes mais parfois quelque peu ardues à assimiler!). Néanmoins, Georges HALDAS signe ici une remarquable chronique qui, non seulement dit comment les gens vivent, mais aussi posent des questions sur le pourquoi vivre comme cela! "La maison en Calabre" est une belle mise en page d'une confrontation des points de vue, d'une réflexion sur nos modes de vies et le regard qu'on porte sur les autres ... Une chronique qui vaut son pesant de réflexions

Avec ce choc Nord/Sud que nous avons quelques difficultés à accepter sous peine de nous sentir très vite coupables, nos rencontres de vacances relèvent finalement bien souvent d'une histoire si simple... Pourquoi arrivons-nous si facilement à la compliquer ... si ce n'est par la grande étroitesse de nos regards sur autrui!

"La fractale des raviolis" de Pierre RAUFAST

« La fractale des raviolis » de Pierre RAUFAST (Ed.Alma,2014) est un roman qui se laisse choisir, d’abord, pour son titre incongru. ...
Et puis on s’interroge sur ce que ce mot fractale peut bien signifier. Et là, je redécouvre, au fond de soi, cette notion étudié lors d’une vie antérieure, alors que je pratiquais les sciences mathématiques. [Au départ (en mathématiques) fractale désigne une figure ou volume qui a des formes irrégulières ou fragmentées. L'exemple le plus souvent cité est le flocon de neige]. 
Où finit-il ? Où commence son suivant, si proche et pourtant différent ? 

Et de tous ces flocons, mon coeur d’enfant n’a gardé qu’une envie, celle de courir après, tenter de les happer et rire de mes réussites comme de mes ratés. 

Allons,je me dépouille de mon sérieux de matheux, de mes jouissances enfantines et j'entre dans le récit en dilettante, avec l’humour qu’il m'inspire dès les premières lignes. 

Car, « La fractale des raviolis » est bien construire sur ce modèle insaisissable d’une succession d’histoires emboîtées, l’une n’étant jamais tout à fait finie alors que déjà elle nous embarque sur une deuxième, emboîtée cigogne, qui nous entraîne très loin et pourtant nous permet de nous sentir très proche et dans le droit fil, de celle qui précède. Et si la troisième change, elle aussi, le cap, elle ne bouleverse en rien nos repères sur la boussole de ce voyage qui se poursuit dans un chaos nous entraînant de récits en rencontres, d’analyses surréalistes en décisions de sagesse et d’utopies dominatrices et victorieuses en grains de sable destructeurs et bloquant tout avancement vers une fin convenue ! 

Jubilatoire cette écriture fraîche, traversant le monde littéraire comme un ovni, une œuvre volontairement non identifiable à ce qu’on connaît d’habitude en littérature. Perso, j'aime le théorie du chaos (très présente dans les fractales) qui est toujours (ou le plus souvent) beaucoup plus organisée qu'on le croit... C’est le cas de ce bouquin finalement plein d’humour, de sagesse et de ces aléas de la vie qui font qu’à un poil prêt, la vie aurait été tout autre !


Pour sa fraîcheur, un livre coup de coeur. Un vrai petit court, serré qui se déguste avec bonheur sous un soleil d’été !

vendredi 12 juin 2015

"Sacrifices" de Pierre LEMAITRE (Ed.: Albin Michel)

"Sacrifices" est le troisième tome de la trilogie Verhoeven de Pierre LEMAITRE. Ce Verhoeven , court sur pattes mais grand commandant de la Police, nous entraîne dans un policier (je ne dirais pas trop vite 'thriller') somme toute assez conventionnel. Le flic-héros a quelques particularités physiques qui en font un "Vu à la Télé" facilement reconnaissable. 
Comme une kyrielle d'autres héros du Polar, il n'est pas trop à cheval sur les règlements, en butte quasi permanente avec sa hiérarchie mais est, en fin de bouquin, tellement fort que personne ne peut lui en tenir rigueur.


Pour le mécanisme d'écriture, tout est dit! Pour l'intrigue, elle est ici un peu faible. Les personnages périphériques, hors équipe Verhoeven, me semble peu crédibles et les ratages du tueur tellement énormes qu'on sent vite que quelque chose ne va pas. Trop de pages avant que la mayonnaise ne prenne... 
Le style de Pierre LEMAITRE relève, ici, d'une écriture peu liée, trop saccadée à mon goût. Le découpage de l'enquête en jours, heures et minutes n'arrive pas, selon moi, à servir un rythme, un crescendo frénétique vers un sommet avant la chute finale.


Et, cependant, le livre se laisse lire, même si persiste un peu l'impression que cet ouvrage n'a pas eu le temps de mûrir, de vieillir en fût, de bonifier dans les cartons de l'auteur et d'être repris en main et peaufiné avant d'être confié à l'imprimeur. 

Bref, un bon petit roman pour prendre le train, le métro ... ou la chaise longue dans le jardin... mais pas plus.

"Rosy & John" de Pierre LEMAITRE (ED.: Le livre de poche, n°33423)

"C'est plus Rosy and John. C'est seulement John and John,
Et John, il va très bien. Et John, il n'a besoin de rien.
"
Extrait des paroles de Rosy & John, chantées, en son temps par Bécaud!

"Rosy & John" est un inédit de Pierre LEMAITRE. C'est une commande de l'éditeur, destinée à marquer le soixantième anniversaire du Livre de Poche. 

La trilogie Verhoeven possédait déjà ses trois volumes. Cela n'a pas empêché l'auteur, pour la circonstance, de convoquer à nouveau, pour ce très court récit (142 pages) , son commandant fétiche, le commandant Verhoeven et son fidèle lieutenant Louis. 

Le premier toujours aussi court sur pattes et particulièrement affûté pour sentir, deviner, circonscrire les personnalités de Jean Garnier, poseur de bombes artisanales et de sa mère Rosie, criminelle impulsive séjournant en prison en attente d'un jugement,. L second toujours aussi performant dans sa manière d'épauler le patron avec son propre regard, ses compétences personnelles et cette fidélité qui détermine la confiance de l'un vis-à-vis de l'autre ... et réciproquement.
L'écriture, ici, est condensée, le découpage assez linéaire mais ne s'encombrant pas de digressions inutiles. Tout au plus l'auteur se permet-il, avec une justesse de ton indiscutable, de partager au lecteur ses apartés laissant entendre que ce qu'il décrit peut donner à réfléchir .... (à propos des traitements réservés aux personnes interrogées, à propos des tensions et guerres entre les différents services de police, à propos des promesses faites alors qu'on sait que la machinerie mise en place sera tout autre , etc). 

Le lecteur est donc invité à rentrer pleinement dans cette histoire devant être rondement menée et , tout à la fois, invité à prendre ses distances et à ne pas être d'accord, par facilité, avec ce qui est raconté.
Et derrière cette chasse aux bombes à déminer avant qu'elles ne tuent, il y a l'histoire poignante d'une relation Mère-Fils qui est liée jusqu'au déchirement, qui souffre le martyr et proclame le contraire.

Un bon polar! Une bonne lecture détente! Un bon Pierre LEMAITRE!

mardi 9 juin 2015

"Objets de splendeur" de Anne CUNEO (Ed.: Bernard Campiche, 1996)

"Objets de splendeur" est le deuxième livre que je découvre et dévore de l'auteure suisse, Anne CUNEO. 

Trempée dans l'Histoire, merveilleusement bien documentée, sa plume nous propose le récit des états amoureux de William Shakespeare pour sa Dark Lady. 

Ce n'est pas l'Histoire, ce n'est qu'un roman ... mais c'est un bon roman! 

Sans jamais écraser le lecteur de détails historiques qui font perdre le fil du récit, l'auteure nous entraîne et nous fait vivre ce Londres des querelles religieuses puritaines, des complots, des manigances pour le pouvoir, des intrigues courtisanes, mais aussi des années noires de la peste, des conditions rudes de l'existence et de la précarité des gens du peuple, artisans, apprentis, comédiens ... 
Et c'est là, pour moi, l'intérêt majeur de ce livre, il nous permet de rentrer dans le monde du théâtre de cette époque. Son interdiction faisait des comédiens d'infatigables clandestins, toujours prêts à s'entraîner, à répéter, à monter et démonter les théâtres pour pouvoir continuer à jouer! C'est l'époque d'un extraordinaire foisonnement de productions théâtrales, d'écritures et d'inventions techniques en plateaux de jeu, coulisses, machineries de toutes sortes. 

Le livre ne date pas de hier (1996) mais l'époque qu'il relate date bien plus encore... Cependant, les pièces de Master William se jouent encore, les comédiens et le théâtre restent des facteurs de divertissement, de réflexion et d'éducation pour notre monde. On y a le droit d'y rire, de se moquer du travers des puissants comme des petites gens, de réfléchir sur la destinée du monde par le biais du pouvoir que nous pouvons prendre sur nos propres vies. 
Nous le devons à tous ceux qui, au travers des siècles, se sont battus pour que vive le théâtre, le divertissement et la liberté d'expression. Cela aussi, Anne CUNEO nous le rappelle avec sa manière de nous raconter l'Histoire à travers un histoire. 
Un vrai bon moment de lecture!  Un coup de coeur!

vendredi 5 juin 2015

"François, le printemps de l'évangile" de Frédéric LENOIR (Ed.: Le livre de poche, n° 33661)

"François, le printemps de l'évangile" est un tout petit essai de Frédéric LENOIR. 

Paru en mars 2014, l'auteur s'appuie sur le ressenti, l'intuition des gens du peuple qui voient un Pape François en profonde réforme de la fonction papale. On sent poindre, chez celui qui doit présider à la destinée de l'Eglise catholique, un esprit de service et non de pouvoir, une humilité bardée de volontarisme avec laquelle ce François, ce Francus, cet homme libre, semble pouvoir s'inscrire dans l'Histoire comme le pape d'un retour aux sources de l'Evangile.

Avec l'habitude qu'on lui connaît dans ce genre d'exercice, Frédéric LENOIR précise qui est ce Jorge Bergoglio devenu François, sa volonté de vouloir une Eglise pauvre pour les pauvres, une Eglise qui ne juge pas, ne se replie pas sur son centre mais s'ouvre à tous, croyants ou non. Bref, une Eglise à l'image de l'Evangile. 
En s'appuyant sur les sources historiques nécessaires, mais légères, les anecdotes rapportées par ceux (amis ou non,croyants ou non) qui l'ont rencontré, Frédéric LENOIR nous brosse l'image de l'homme remis dans le contexte de l'Eglise qu'il habite en lien avec l'Evangile qui l'inspire. 

L'essai est réussi! On sent, toute à la fois, l'humilité de l'homme et sa volonté de transgresser l'usage, de "dépapaliser" sa fonction, d'opérer un grand nettoyage (déjà commencé), son besoin d'une sainte persévérance pour mener les réformes à terme. L'auteur, lui, ne cache pas son espérance que, le temps venu, l'Eglise osera se questionner aussi sur les fondements moraux qu'elle défend au coeur d'une société où croire n'est plus ni une évidence, ni une obligation.

Ce livre respire l'espoir, il n'évite pas les sujets qui fâchent, les faits à dénoncer comme inacceptables au sein de l'Eglise. Ce livre montre aussi le danger permanent dans lequel avance le Pape François. Il est loin, encore très loin, de faire l'unanimité au sein de la curie romaine qu'il bouscule allègrement.
Mais comme les jeunes pousses de printemps ... ce livre est l'annonce d'une possible belle récolte et de fruits savoureux à venir!

Pour les croyants, comme pour les non croyants, il éclaire un Homme debout et une fonction en mutation!

mardi 2 juin 2015

"Train de nuit pour Lisbonne" de Pascal MERCIER (Ed. :10-18 n° 4103)

Deuxième roman (après l’accordeur de piano) que je lis de cet auteur suisse dont on ne s'étonnera pas qu'il enseigne la Philosophie. Encore un roman complexe que ce «Train de nuit pour Lisbonne» de Pascal MERCIER .

Intéressant, riche mais peut-être trop riche en enseignements ou questionnements philosophiques pour pouvoir se laisser lire... Ce roman a besoin de nous, de notre volonté d’entrer dans ce qu’il est pour se révéler à nous... «S’il est vrai que nous ne pouvons vivre qu'une partie de ce qui est, qu'advient-il du reste? » 

Peut-on un jour se rendre chez nous, rendre visite au cœur même de qui nous sommes? Et sommes-nous ce que nous sommes, ce que nous paraissons, ce que les autres voient en nous ou encore tout autre chose? Autant de questions, et bien d'autres, visitées par Raimund Gregorius, professeur de langues anciennes qui laisse penser que l'homme qu'il est, l'érudit, est aussi poussiéreux que les vieux livres qu'il fréquente, tout comme eux centré sur le passé, casanier, semblant fermé au présent... Et pourtant, c'est lui qui, d'un seul coup, quitte sa classe Bernoise, part pour Lisbonne à la rencontre d'un poète portugais, Amadeu Prado, à travers le livre que ce dernier a écrit et les personnages qu'il a fréquenté, parfois aux heures les plus noires de la révolution portugaise.

On part avec lui, à la recherche de soi, du père, de l'amitié fidèle, de l'amour. On se questionne sur les certitudes et les errements qui stabilisent et minent toute vie humaine.

Avec son écriture, somme toute assez classique mais puissante, Pascal MERCIER fait plus qu'évoquer des personnages de roman, il nous ouvre au questionnement sur les forces de vie, celles qui mènent à la démesure comme celles qui donnent la mesure de toute chose.

À l'image de la vie, le roman de Pascal MERCIER est complexe, pas toujours facile à appréhender. Mais comme la vie, il mérite d'être lu!

"Le soleil des SCortas" de Laurent GAUDE (Ed.: Acte sud, collec. Babel, 2004)

J'ai beaucoup aimé ce livre "Le soleil des Scortas" . 
"Le soleil des Scortas", de Laurent GAUDE, a été prix Goncourt en 2004 ... Je ne l'ai su qu'après l'avoir lu. Mais, pour moi, cette distinction était méritée.  J'ai vraiment beaucoup aimé ce livre!

L'écriture est fine, sensible. Elle nous fait ressentir la force de ce personnage qu'est le soleil dans la vie des Scortas. On vibre, on souffre, on se repose avec lui. La famille, celle des Scortas, devient la nôtre, le temps d'un livre, le temps d'une détente qui nous insuffle la force de vie d'un clan, d'une lignée des Pouilles qui a tout connu ... et surtout le malheur, le manquement à la parole donnée, le conflit des valeurs nobles (fidélité au clan, amour, volonté du maintien des traditions et ouverture à de nouvelles façons de vivre le présent et l'avenir) et qui a pu relever la tête, faire face, vivre et survivre avec et pour ce soleil tellement présent qu'il finit par être celui des Scortas!

Pour moi, c'était la découverte de Laurent Gaudé! Belle découverte qui sera suivie d'autres lectures du même auteur avec, je l'espère, autant de plaisir.

vendredi 22 mai 2015

"L'art d'écouter les battements de coeur" de Jean-Pierre SENDKER (ED;: JC Lattès, 2015)






J'ai aimé ... le titre et, pourrais-je ajouter, la couverture du livre. J'avais rêvé en anticipant le plaisir que j'aurais à lire ce petit roman annoncé comme un hymne à la vie, une histoire d'amour exceptionnelle empreinte de spiritualité orientale et digne d'un conte de fées. (Ce n'est pas moi qui le dit, c'est la quatrième de couverture!)

Bof... oui, il y a bien quelques idées touchantes comme la complémentarité de deux personnes, handicapées aux yeux du monde qui, cependant, semblent mieux adaptées à la vie que les dits normaux ou valides. Autre idée qui m'est sympathique, celle qui consiste à affirmer que la plus petite unité humaine n'est pas l'unicité mais l'être deux, la paire, la possible existence d'une relation plus forte, plus riche que la solitude de l'individualité.
Mais avoir besoin de 330 pages pour dire cela, c'est long!

Je n'ai guère vibré au contenu. Je n'ai pas plus été embarqué dans une quelconque spiritualité (orientale ou non) par le style. Est-ce dû à la traduction française qui a été réalisée à partir d'une version anglaise alors que le livre, à l'origine, était écrit en allemand? Peut-être.

Toujours est-il que ce roman ne laisse pas de résonance en moi. Si tôt lu, si tôt oublié. Dommage.

vendredi 15 mai 2015

"Dernière donne" de Jean-Michel GUENASSIA (ED.: Le livre de poche)

"Dernière donne" est une nouvelle version du roman Pour cent millions paru aux Editions Liana Levi en 1986. Jean-Michel GUENASSIA y scénarise une action, en partie, inspirée de faits réels. J'emploie volontairement le terme scénariser plutôt qu'écrire tant l'écriture me semble assez peu développée. Une série de courtes phrases, descriptives du cadre ou de la succession d'actions menées par les uns et les autres. Pas, ou si peu, de réflexions développées, de questions posées à la vie, d'élévations de l'esprit.
L'histoire tient en quelques phrases. Il y a le joueur qui, jouant pour l'adrénaline, perd plus qu'il ne gagne. Il y a son épouse, délaissée et se sentant trahie. Il y a les amis, le faux, retord jusqu'à la moële et le vrai, dévoué jusqu'au bout. Il y a le truand incarcéré qui a encore le sens de l'honneur, sa compagne qui ne le comprend pas et des enjeux, des rêves, des dettes, des projets tordus, des jalousies et des envies de meurtre pour pimenter les relations entre tout ce petit monde.
Je ne sais si cette histoire a donné lieu à un de ces petits films permettant de passer, sans trop penser, une soirée pluvieuse au creux de son fauteuil alors que la sagesse serait probablement d'aller plutôt gentiment au lit!
Moi, je n'ai découvert cette histoire que dans une version papier. Je ne me suis pas embêté, je n'ai pas eu le temps, le livre est court, c'est sa qualité première. Mais de là à dire que j'ai été emballé, il y a un pas que je ne franchirai pas!

"Créance de sang" de Michaël CONNELY (ED.: Points)

Je l'avoue, j'aime l'écriture de Michael CONNELLY. Sans être noire et excessive, elle me prend, même sans beaucoup me surprendre. Elle m'entraîne à la suite de personnages qu'il est possible de vouloir deviner mais qu'il est difficile de cerner au point d'avoir tout vu venir et en être blasé. Je prends donc mon plaisir à suivre cet ancien du FBI, Terry McCaleb, qui a été mis sur la touche en raison de ses ennuis cardiaques, de la greffe dont il a pu bénéficier et du long parcours de revalidation qui l'attend. Retiré sur un bateau à remettre à neuf, seul bien hérité de son père, il se soumet donc au rythme de sa nouvelle vie. L'histoire, sans même débuter, aurait pu, au grand plaisir de son médecin, en rester là. Mais, il n'y aurait pas eu de livre! Connely va donc mettre en scène l'arrivée impromptue de Graciela Rivers, jeune femme qui révèle à Terry que le coeur dont il dispose est celui de sa soeur, abattue pour un fond de caisse par un tueur cagoulé. Terry ne peut se soustraire, il faut le retrouver, il a une créance de sang dont il doit s'acquitter...
Le plaisir, dans ce livre est de le voir reprendre l'enquête de zéro. Remonter l'histoire pour y lire les indices non vus, oubliés, négligés. D'indices en indices, de meurtres en meurtres, de pavés dans la marre en accusations portées contre lui, il va démêler et retisser l'enchaînement des faits jusqu'à comprendre, risquer de se perdre et finalement se trouver.
Un bon polar, un bon moment de détente, une lecture où l'esprit reste capté sans devoir s'investir plus que nécessaire.

jeudi 14 mai 2015

"Les dix enfants que madame Ming n'a jamais eus" de Eric-Emmanuel SCHMITT (Ed Albin Michel)

Dans son livre "Les dix enfants que Madame Ming n'a jamais eus", Eric-Emmanuel SCHMITT réactive les ressorts d'écriture qui avaient déjà porté les autres titres de ce Cycle de l'Invisible. Il n'y a donc pas de vraie surprise. L'écriture reste très efficace, accessible, belle et bonne à lire. Les idées, même si elles se laissent croire déjà connues, restent bonnes à boire... Le plaisir intellectuel réside dans cet arrière goût d'envie de sagesse qui demeure en nous une fois le livre terminé.
Le choc de contraires (un des ressorts classique chez Schmitt), ici, la rencontre entre un cadre commercial européen et une préposée aux toilettes chinoise, donne sa pleine mesure et nous entraîne dans une histoire chargée d'humour, de sagesse et de questions philosophiques qui trouvent leurs réponses dans cet endroit propice(oui, je sais, le jeu de mots est osé, mais je l'assume!). Dès l'entame du récit, on le sent, Me Ming règne en impératrice sur les lieux. Elle sait, et le fait sentir, en son domaine, tous les hommes sont égaux. Peu importe le métier, l'uniforme, l'épaisseur du portefeuille ou le carnet de contacts mondains qu'ils pensent pouvoir présenter comme laisser-passer, tous partagent l'angoisse de savoir si, dès leur arrivée, le regard omnipotent de Madame Pipi leur donnera l'autorisation d'accès et s'ils pourront arriver à temps dans ce lieu d'aisance où ils aspirent tant à se décharger! Face à un tel besoin, ils sont tous égaux!
Et c'est là, au sous-sol, que nos deux personnages centraux vont se lier, mêler leurs vies, leurs rêves, leurs attentes et leurs espoirs. Ce lieu de service à la clientèle deviendra vite, au coeur du récit, un lieu de recherche, d'échange, de partage de vérités même si ces dernières ne sont que des mensonges.
Avec Confucius qui n'est jamais loin Eric-Emmanuel SCHMITT nous invite à accueillir ces graines de sagesse qu'une Madame Pipi peut semer au coeur d'une rencontre humaine. A nous de décider si nous avons envie de les faire germer et d'entretenir leur croissance au coeur de nos vies.
Un bon, simple et paisible moment de lecture.