jeudi 25 décembre 2014

"Meursault, contre-enquête" de Kamel DAOUD, (Ed.:Actes sud, 2014)

Bien belle découverte que ce  « Meursault, contre-enquête » de Kamel Daoud (Ed. Actes sud, 2014). À lire, sans retenue !
 Kamel DAOUD, journaliste algérien, s’adosse, sans s’opposer, à l’Étranger, ce monument de littérature écrit en 1942 par Albert Camus. Auteur qu’il ne citera jamais mais dont il soulignera la grande maîtrise de la langue et sa capacité à tout dire, tout inventer  en si peu de mots.  DAOUD signe ici son premier roman.  Et quel roman !
J’avais choisi de relire l’Étranger de Camus juste avant de commencer ce « Meursault, contre-enquête ». Excellente idée tant le parallélisme est saisissant, au sens propre du terme. Le lecteur est pris dans la double mécanique d’écriture, celle de Camus, celle de DAOUD. Et ces mécaniques sont profondément humaines,  pas nécessairement chaleureuses, il y a trop de détachement et d’indifférence apparente chez l’un et trop d’attente et de colère chez l’autre pour pouvoir parler de chaleur dans les relations … et puis, il y a eu meurtre, tout de même, non ? Mais au fait, qui ou quoi a-t-on tué ?
Le personnage central de ce roman est Haroun, le frère de Moussa, cet arabe tué par Meursault. Haroun qui n’a jamais pu être lui-même face au fantôme de son mort de frère, de cette mère qui n’a plus qu’un fils, celui qui a été tué, face à cette population qui ne peut accepter que Haroun ne participe pas la guerre d’Indépendance et refuse l’Islam comme Meursault refusait la religion catholique.  Kamel DAOUD  multiplie dans son roman les allusions au récit de Camus, en symétrie, en faux-semblants, en contre-point, il distille une histoire qui dépasse les personnages de Meursault, le français, ou de Moussa, l’arabe. Par ce jeu d’adossement, il sublime la question de la croyance ou non, du pouvoir que veulent jouer dans le monde les religieux de tous poils (fussent-ils laïcs).  
En donnant la parole à la partie adverse, DAOUD nous entraîne bien au-delà d’une simple contre-enquête, il nous fait rentrer dans une réflexion métaphorique  sur l’Identité de l’Homme,  celle d’un peuple, celle d’une religion qui veut tout régenter… L’Algérie, et derrière elle toutes les colonies, que sont-elles devenues ?  Après la négation d’un peuple qui a duré des décennies, après son soulèvement et son Indépendance gagnée au combat, que reste-t-il du Peuple et surtout de l’Homme ?
Les personnages sont très sobrement mais justement chargés de toute la difficulté existentielle chez qui veut être un homme capable de se situer dans sa propre histoire. Que doit être un humain en ce monde ? Doit-il refléter, s’adapter, se fondre dans le modèle dominant d’une Société ? D’une religion ? Doit-il être celui que le regard des autres attend ? Peut-il se permettre de penser par lui-même ? Son espace de liberté doit-il lui être dicté par sa conscience ou par « les pensées uniques » qui se succèdent dans le temps ou coexistent dans des civilisations contemporaines ?

Où l’Homme peut-il se tenir debout ? Où peut-il exister pour ce qu’il est et non par ce qu’on croit percevoir de lui ? 

vendredi 19 décembre 2014

"L'étranger" de Albert CAMUS

« L’étranger » de Camus (Ed ; Le livre de poche n°406)… Voilà bien un vieux livre ! Je l’avais lu, scolairement, il y a quelques 45 ans… Je viens de le relire. Édifiant ! 

L’écriture de Camus a traversé le temps, son histoire tient toujours : un être peut être jugé sans être compris !
Et ce n’est pas à l’heure des « ébats sociaux sur Facebook, twitter ou autres réseaux que l’on oserait contredire la fragilité des jugements péremptoires dont s’empare, souvent sans discernement, la vindicte publique. Car, -et ce n’était pas, dans mon chef, une faute de frappe si je viens de parler « d’ébats sociaux »- pour bon nombre, il s’agit bien plus de s’ébattre, d’éclabousser, « d’éclats-bouser » (si ce néologisme m’est permis) plutôt que de chercher à comprendre, à écouter, à démonter les mécanismes qui se sont mis en place pour donner aux faits, aux gestes, aux propos leurs vraies valeurs !
Ce livre que je relis après plus de 45 ans, je le reprends avec mes annotations de jeune adolescent... J'avais souligné des passages, des phrases, des bouts de situations qui, à l'époque me touchaient, me posaient question, m'invitaient à réfléchir, à débattre avec mes condisciples de classe.  A peu près tout ce que j'avais souligné alors, je le retiens aujourd'hui. Exemple: "Il (Le juge) m'ad'abord dit qu'on me dépeignait comme étant d'un caractère taciturne et renfermé et il a voulu savoir ce que j'en pensais. j'ai répondu: "c'est que je n'ai pas grand chose à dire. Alors je me tais."         Quelle sagesse!!!!     

Quand l'autre est étrange à nos yeux, il nous est plus facile de le condamner que de chercher à le comprendre. Et le propre de l'opinion publique, c'est de juger les personnes avant même de comprendre les faits!  

Camus touche parfaitement sa cible lorsqu’il dénonce les travers d’une justice qui condamne un étranger … simplement parce qu’il est étrange aux yeux d'autrui, non conforme aux attitudes et déclarations politiquement correctes dans une société qui n’admet pas, ou si peu, la différence !

Sans m'attarder ici sur le style de Camus (on a déjà tant écrit à ce propos!), je veux simplement souligner que bien des auteurs actuels tentent d'utiliser cette écriture qui paraît simple, dénuée de toutes fioritures mais qui, en fait est dense et riche en résonances lorsqu'on veut se laisser prendre par "un essentiel qui, en peu de mots, dit tout".

Camus, avec son roman « L’étranger » paru en 1942, est d’une actualité fascinante. À lire, relire et méditer !

"Pas pleurer" de Lydie VALVAYRE (Ed. Seuil, 2014)

« Pas pleurer », le roman de Lydie SALVAYRE s’est révélé quelque peu atypique et parfois même dérangeant pour le lecteur que je suis. L’histoire se trame par le croisement de deux voix, celle de Bernanos et celle de Montse, la mère de la narratrice. Bernanos ne peut taire le soutien scandaleux à ses yeux des prélats de l’Église espagnole à Franco. Montse a, semble-t-il, tout oublié de sa longue vie, sauf son emballement pour les idées libertaires d’une certaine jeunesse des années 36 à 38.



Ces deux voix se distinguent clairement dans le récit, elles se complètent, se confortent.
L’une, celle de Bernanos, est directement inspirée de son livre « Grands cimetières sous la lune ». L’écriture de SALVAYRE y est dense, réfléchie, forte. Parfois complexe, touffue mais toujours en révolte contre la monstruosité de l’Église qui donne sa bénédiction à la terreur exercée sur les mauvais pauvres , eux qui osent s’ouvrir à d’autres courants que la pensée unique et malfaisante d’une religion au service d’une dictature.
L’autre, prêtée à Montse, jeune fille pauvre qui, à 15 ans, est prise dans le tourbillon des courants de pensées libertaires d’une jeunesse qui refuse ce dictat franquiste et religieux. Dans la plume de VALVAYRE, cette voix parle une langue fréquemment mal menée, souvent drôle, parfois énervante, notamment par l’abondance de mots, d’expressions, de phrases, de paragraphes entiers écrits en espagnol sans aucune note pour le lecteur que je suis, moi qui n’en possède pas le moindre mot.


Tout au long de ce roman, j’ai donc oscillé entre l’envie de poursuivre et l’envie d’arrêter ma lecture. Ce qui m’a poussé à aller jusqu’au bout, c’est la réflexion, tellement encore urgente pour nos jours, à propos des mécanismes, complexes et bien difficiles à appréhender qui poussent des personnes à rallier une cause, à la quitter, à la récupérer. À faire alliance, à trahir la cause, à se masquer les vraies raisons de combattre, d’en vouloir et à se retrancher derrière des idéologies parfois justes, parfois fumeuses, mais presque toujours portées par ceux qui ne vont pas eux-mêmes au combat. Les harangueurs ne sont pas de la chair à fusil !


C’est donc un livre à lire pour les idées et le débat qu’il ouvre ! … Pour l’écriture, je devrais dire « les écritures », je suis nettement moins convaincu !


À chacun de se faire une idée sur la pertinence du prix Goncourt 2014 accordé pour ce roman…

"La liste de mes envies" de Grégoire DELACOURT (Ed. Le livre de poche n°32998)

« La liste de mes envies », livre de Grégoire DELACOURT a été adapté, sous le même titre, pour le cinéma et le théâtre. Je n’ai vu ni le film, ni la pièce et heureusement ! Quel aurait été alors mon espace de liberté pour voir et entendre les personnages du roman comme bon me semble ?
J’ai souvent pensé que, par l’imposition du modèle physique des acteurs, de leurs tonalités expressives, de leurs gestuelles, voire même de leurs silences, le cinéma, le théâtre tuent l’imaginaire du livre. En effet, ma responsabilité de lecteur est de rencontrer, en miroir, les personnages comme je les ressens et non comme on me les sert.
Dans ce livre de DELACOURT, sympathique petit opus, sans plus, il n’y a finalement que ce plaisir que je peux m’offrir. Car l’intrigue est, somme toute, assez banale : une mercière, une petite vie avec de petits moyens, un couple qui tient dans la tendresse plus que dans l’amour (mais est-ce un défaut ?)… Bref, une vie qui n’a même pas besoin d’être réglée, une petite vie qui se contente d’être ! Et puis un jour, sans même vraiment l’avoir souhaité, Jocelyne, notre mercière, se voit la grande gagnante d’un tirage Euromillions… Heureuse gagnante ? Malheureuse perdante ? DELACOURT nous invite à la suivre jusqu’au bout !
Exit donc l’intérêt de l’intrigue, l’histoire pour l’histoire. Que reste-t-il ? Ma foi, une écriture qui rappelle parfois les formules courtes mais touchantes de FOENKINOS, une belle brochette de personnages d’un roman, personnages que j’ai déjà eu l’occasion de rencontrer dans ma vie. Je les côtoie autour de moi, je me retrouve parfois en eux. C’est populaire sans être populeux. Et les poncifs qui ponctuent le livre font aussi partie de nos vies (l’argent ne fait pas le bonheur, quand il y a de l’argent, il n’y a plus d’amis, …) Mais le personnage central, dans ce roman comme dans nos histoires, ne serait-ce pas le silence. Ce monde, ce gouffre parfois du silence, du non-dit, le refus de partager et de communiquer ce qui nous tient à cœur. En creux, en bosses, c’est, à mon sens, ce qui fait l’ossature d’un récit qui invite – un instant seulement, peut-être – à réfléchir à la liste de nos envies.
Sans prétention, un bon moment de lecture pour qui doit passer le temps sans nécessairement le tuer ! Qu’en restera-t-il ? Un peu de sagesse quand je chercherai à prioriser mes envies ? Pas sûr, mais ce serait déjà ça !

"Plaintes " de Ian RANKIN, (Ed. Le livre de pochen° 33488)

Malcom Fox, nouvel héros de Ian RANKIN est inspecteur aux affaires et plaintes internes à Edimbourg. Son personnage, bien trempé dans les aspects classiques du genre, travaille en solitaire mais avec une équipe, a des problèmes avec l'alcool mais n'y touche plus, a ses certitudes qui s'effilochent et ses doutes qui se tissent, se trament et prennent corps... Les coups durs suivent les coups vaches, les ripostes sont toujours "un cran au-dessus" des attaques ... et, en fin de livre, le bon triomphe des mauvais. Ouf, la morale est sauve!

Ce qui plaît, ici, c'est la naissance d'un nouvel héros, un type auquel on pense volontiers
ne pas pouvoir s'identifier ("on est tout de même pas du même monde, Monsieur!") mais dont on se sent finalement assez proche et qu'on aime parce qu'il s'entête et persévère dans sa recherche de justice.

Et puis, à notre époque où la solitude prend souvent le pas sur la relation, on aime un type qui, peu à peu, apprend à renouer des contacts avec sa famille, sa soeur, son père... On a tous en nous quelque chose de "Malcom Fox"...on a tous à se situer, se resituer par rapport à un père, une mère, une fratrie ou des amis!

Un roman-miroir assez classique dans son genre mais d'une bonne facture, tant en écriture qu'en ruptures et rebondissements de l'intrigue. Bref, un bon polar, une belle brochette de ces gens, tordus ou non, qui font, défont et refondent "un certain quotidien du petit peuple" dont finalement nous sommes.

lundi 8 décembre 2014

"Les tribulations du dernier Sijilmassi" de Fouad LAOUI

Couverture Les tribulations du dernier Sijilmassi

Roman désarçonnant, pas facile à lire. J'ai mis du temps à rentrer dans ce que je crois être la pensée de l'auteur, à tout le moins l'approcher quelque peu.

Adam, ingénieur spécialisé dans la vente de bitume, un peu partout dans le monde, a une révélation, une épiphanie: "Qu'est-ce que je fais là, dans un avion volant à trente mille pieds et propulsé à une vitesse supersonique? Quel est le sens de cette course perpétuelle, de cette accélération de la vie, pourquoi faut-il toujours aller vite, plus vite, trop vite?" Adam décide de démissionner, partant, de perdre tous ces nombreux avantages sociaux que lui conférait son titre de cadre.

Et Adam va partir, à pied, vers sa terre natale. Il veut relier sa vie à celle de ses ancêtres. Il veut retourner sur ces terres qui ont vu vivre son père et son grand père. Il veut y réfléchir et méditer sur ce qui fonde sa vie. Sa démarche est tellement hors normes qu'elle suscitera bien des questions auprès de ceux qui seront témoins de ses tribulations. Et Adam va mesurer la complexité de sa pensée intuitive en réalisant la difficulté qu'il aura à se faire comprendre, à ne pas se laisser récupérer pour les assoiffés de pouvoir qui gravitent autour de ceux qui sortent du lot. 

Le rythme d'écriture est lent, semblant lourd, chargé de digressions, de nombreuses références philosophiques, d'extrapolations imaginaires qui mettent à rude épreuve ma volonté de lecteur d'aller droit au but.  Et justement, c'est là un des propos de l'auteur. Tout au long de son livre (dans lequel j'ai fini par rentrer et que j'ai donc lu avec bonheur) Fouad LAOUI va dénoncer les erreurs et la faiblesse de la pensée conceptuelle quand elle se refuse à interroger chaque mot, chaque idée reçue. Tout y passe, tout est questionné. Quel est le sens de la cadence du monde? Pourquoi chacune de nos sociétés se présente-t-elle comme la seule détentrice du bon pouvoir, de la bonne religion? Pourquoi l'Etat se donne-t-il le droit d'imposer une raison d'Etat pourtant bien souvent bancale et au seul service de ceux qui veulent prendre (encore un peu plus ou plus longtemps) le pouvoir? Est-il possible de permettre à plusieurs courants de pensée de coexister pacifiquement? Est-il seulement possible de se fare comprendre en posant les bons mots sur les idées qui nous habitent? Et pourquoi l'Occident (au travers des nombreuses références littéraires qu'on retrouve dans ce roman) se présente-t-il historiquement comme le berceau des grands courants philosophiques qui, tous, avaient déjà été énoncés par les civilisations antiques, grecques, romaines, arabes? Est-il possible de se positionner entre les extrêmes? Doit-on être fatalement pour l'un et donc contre l'autre? ...

Toutes ces questions, le livre les soulève, ouvre des pistes de réflexion, permet des remises en question... mais c'est à chacun de trouver sa voie et de prendre le temps de marcher lentement vers son intégrité humaine, son Adam originel...

Un roman qui propose un choc des cultures et qui secoue chacune d'elles au coeur même de ses croyances.

mardi 2 décembre 2014

"Le fond de l'enfer" de Ian RANKIN (Ed.: Le livre de poche n° 37044)


Amateur de romans policiers, je découvre Ian RANKIN à travers son roman « Le fond de l’enfer ».  
Oui, je sais, comment est-ce possible de ne le découvrir qu'aujourd'hui??? Ne vous tracassez pas pour moi, je vais me rattraper et lire les autres tomes de la série J. Rebus.

Ecossais, né en 1960 dans le comté de Fife, RANKIN a étudié la littérature à l’université d’Édimbourg, interprété ses chansons dans un groupe rock et écrit son premier polar à la place de sa thèse… Pas très sérieux cela ! Je sais qu’il a finalement rédigé sa thèse de doctorat, c’est bien … mais, pour ma part, il a surtout bien fait de continuer à écrire ! Et à voir les nombreux prix qu’il a reçu pour ses romans, je ne suis pas le seul à le penser.

John Rebus est détective dans cet Édimbourg plutôt glauque, mal famé, confronté à un énorme problème de drogue et de sida. Inspecteur bourru, il combat le mal avec acharnement, prend ses distances avec l’autorité qu’il n’apprécie qu’à moitié et ne se trouve pas mal quand il sympathise avec les personnages objets de ses enquêtes. S’il semble souvent faire tout mal, il le fait bien et pour le bien ! « Le fond de l’enfer » évoque le fond que peuvent toucher certains junkies… mais aussi, et surtout, le fond et même les bas-fonds, dans lesquels la société friquée peut se complaire sans aucun respect du « matériel humain consommé ». Monde de noirceurs et de compromissions !

Plus inspiré par la littérature policière américaine que par celle des polars Britanniques, I. RANKIN fait immanquablement penser à James ELLORY … ce qui, franchement, n’est pas fait pour me déplaire. J’ai aimé !

« Le quatrième mur » de Sorj CHALANDON, (Ed. Le livre de poche, n° 33455).




















Plus difficile à lire que les deux précédents ouvrages lus de Sorj CHALANDON, (Promesse et la Légende de nos pères), « Le quatrième mur » apparaît complexe, dense, inquiétant par sa capacité de nous montrer combien le problème de la guerre est difficile à cerner, à régler, à combattre, à mettre entre parenthèses pour vivre un instant de paix.
Sam, étudiant français d’origine grec et juif, charge son ami Georges, étudiant français et communiste, de mener à bien son projet, un peu fou, de monter Antigone d’Anouilh, sur le lieu même des combats, en plein Beyrouth déshumanisé.  L’idée est de rassembler pour jouer Antigone des acteurs issus de toutes les communautés belligérantes. Palestiniens, juifs, chrétiens, Druzes … et j’en oublie ! Créer, au théâtre, un temps de communion, de paix autour du personnage d’Antigone, personnage qui se caractérise par sa volonté de dire Non ! Son refus de vivre selon les lois du clan, son refus d’être obligé d’obéir à la tradition, au pouvoir en place, à l’Histoire. Antigone qui érige le droit, mieux, le devoir de désobéissance face à un monde qui tourne fou.
Et Georges va faire l’expérience de la guerre, lui qui voulait la paix. Il va prendre la réalité en face, va devoir s’en accommoder, s’y situer et se positionner dans ce conflit où il rencontre chacune des factions, où il est accueilli, où on lui ouvre une terre d’accueil dans leurs cœurs.
Assurément, ce livre est un drame. Celui de l’étudiant, combattant idéologique, qui bascule dans le conflit réel et la destruction de l’humanité. Où sont les valeurs à poursuivre ?  Celui du mari, du père, qui ne peut plus se reconnaître dans les préoccupations futiles de la vie chez nous face à la survie et, plus souvent,  la mort, là-bas. Où sont les valeurs à poursuivre ? Celui du metteur en scène qui bascule dans l’horreur.  Où sont les valeurs à poursuivre, les priorités, le vrai sens de la réalité, de la vie, de la mort ?
Le quatrième mur, en théâtre, est ce mur fictif qui sépare les comédiens du public. Ce mur qui permet aux acteurs de jouer leurs rôles, de dérouler les vies fictives proposées par un auteur face à des spectateurs avec qui ils n’ont pas de contact. Le quatrième mur est celui que ne franchit pas un acteur, sous peine d’entrer en connivence avec le public. Au point de devoir partager ses inquiétudes, ses incompréhensions et, finalement, de rentrer dans la vie, celle qui fait le quotidien, celle qui n’est ni une pièce de théâtre, ni un rêve, ni une utopie mais celle qui est la réalité, dans toute sa noirceur, son cynisme, son manque d’avenir.
Georges, porteur de la kippa de Sam, le juif, finira par traverser ce quatrième mur. Pour quoi ?

Un livre qui, page après page, pose question, pousse à s’interroger, à réaliser combien les conflits sont complexes et les solutions peu évidentes.