Plus difficile à lire que les deux précédents ouvrages lus de
Sorj CHALANDON, (Promesse et la Légende de nos pères), « Le quatrième mur »
apparaît complexe, dense, inquiétant par sa capacité de nous montrer combien le
problème de la guerre est difficile à cerner, à régler, à combattre, à mettre
entre parenthèses pour vivre un instant de paix.
Sam, étudiant français d’origine grec et juif, charge son
ami Georges, étudiant français et communiste, de mener à bien son projet, un
peu fou, de monter Antigone d’Anouilh, sur le lieu même des combats, en plein
Beyrouth déshumanisé. L’idée est de
rassembler pour jouer Antigone des acteurs issus de toutes les communautés
belligérantes. Palestiniens, juifs, chrétiens, Druzes … et j’en oublie !
Créer, au théâtre, un temps de communion, de paix autour du personnage d’Antigone,
personnage qui se caractérise par sa volonté de dire Non ! Son refus de vivre
selon les lois du clan, son refus d’être obligé d’obéir à la tradition, au
pouvoir en place, à l’Histoire. Antigone qui érige le droit, mieux, le devoir
de désobéissance face à un monde qui tourne fou.
Et Georges va faire l’expérience de la guerre, lui qui
voulait la paix. Il va prendre la réalité en face, va devoir s’en accommoder, s’y
situer et se positionner dans ce conflit où il rencontre chacune des factions,
où il est accueilli, où on lui ouvre une terre d’accueil dans leurs cœurs.
Assurément, ce livre est un drame. Celui de l’étudiant, combattant
idéologique, qui bascule dans le conflit réel et la destruction de l’humanité.
Où sont les valeurs à poursuivre ? Celui du mari, du père, qui ne peut plus se
reconnaître dans les préoccupations futiles de la vie chez nous face à la
survie et, plus souvent, la mort,
là-bas. Où sont les valeurs à poursuivre ? Celui du metteur en scène qui
bascule dans l’horreur. Où sont les
valeurs à poursuivre, les priorités, le vrai sens de la réalité, de la vie, de
la mort ?
Le quatrième mur, en théâtre, est ce mur fictif qui sépare
les comédiens du public. Ce mur qui permet aux acteurs de jouer leurs rôles, de
dérouler les vies fictives proposées par un auteur face à des spectateurs avec
qui ils n’ont pas de contact. Le quatrième mur est celui que ne franchit pas un
acteur, sous peine d’entrer en connivence avec le public. Au point de devoir
partager ses inquiétudes, ses incompréhensions et, finalement, de rentrer dans
la vie, celle qui fait le quotidien, celle qui n’est ni une pièce de théâtre,
ni un rêve, ni une utopie mais celle qui est la réalité, dans toute sa
noirceur, son cynisme, son manque d’avenir.
Georges, porteur de la kippa de Sam, le juif, finira par
traverser ce quatrième mur. Pour quoi ?
Un livre qui, page après page, pose question, pousse à s’interroger,
à réaliser combien les conflits sont complexes et les solutions peu
évidentes.
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